De la renommée à l’oubli : l’effet baudruche
Christian C. Emig *
[Résumé]
Version
Qu’est-ce une baudruche [1], une pellicule de caoutchouc dont on fait des ballons ; c’est celle que nous retiendrons ici. Mais, il existe aussi une définition au figuré selon l'ATILF (2007) : idée sans consistance, facile à détruire. Une baudruche se gonfle, se gonfle avant d’éclater : c’est l’effet « baudruche », que nous allons appliquer aux théories scientifiques.
À l’origine l’effet baudruche est une hypothèse qui, en se développant, se gonfle et devient théorie avec un certain consensus au sein de la communauté scientifique. Ceci ne signifie pas qu’il n'en existe pas de débats internes sur son gonflement. Puis, elle finit par se dégonfler, voire exploser, quand apparaîtra une nouvelle hypothèse, donc un nouvel effet baudruche. Ce principe de l’effet « baudruche » permet l’avancement de la Science.
Dans le domaine de la recherche fondamentale : c’est au sein de la communauté scientifique que se discute la reconnaissance des travaux et des résultats obtenus par un scientifique. La reconnaissance, plus que la célébrité, de ce dernier est souvent liée à une découverte fortuite, développant un effet baudruche, puis celui-ci tend à disparaître après quelques décennies que l’auteur soit encore vivant ou mort.
Trois exemples ont été choisis pour illustrer ce principe. Ils ne sont pas présentés ici chronologiquement : Forbes et la théorie azoïque ; Alvarez et la théorie basée sur l'impact d'un astéroïde responsable de l’extinction catastrophique Crétacé-Tertiaire ; Darwin et les théories de l’Evolution.
La fin de la première période de l’avènement de l’océanographie (au cours des années 1840-50) est marquée par deux événements très éloignés l'un de l'autre, mais qui, tous deux, vont contribuer au développement de l'océanographie.
En 1851 est posé avec succès le premier câble télégraphique sous-marin entre la France et l'Angleterre. Des projets furent immédiatement étudiés pour réaliser des liaisons plus importantes, en particulier un câble reliant l'Europe à l'Amérique du Nord. Or, pour réaliser avec succès la pose des câbles, il fallait avoir une excellente connaissance des fonds marins, notamment de la topographie du fond sous-marin, de sa nature, des caractéristiques des masses d’eau et des courants auxquels le câble allait être exposé.
Peu auparavant paraissaient des travaux rédigés par l’Anglais Edward Forbes (1815-1854), consacré à la répartition de la vie sur le fond des mers. Sur la foi d'une série de dragages qu’il a effectué en mer Égée (mer Méditerranée) en 1840-1841 jusqu'à environ 400 mètres de profondeur, et, en extrapolant à de plus grandes profondeurs la réduction à peu près linéaire du nombre d'espèces et d'individus dragués avec la profondeur, cet auteur fixe à 300 fathoms (549 mètres) la limite en profondeur du monde vivant marin (Forbes, 1844a, 1844b ; Forbes et Godwin-Austen, 1859). Donc au-delà de 500 mètres de profondeur, la vie ne pouvait exister ! Son hypothèse azoïque (« azoic hypothesis »), basée sur le constat que l’abondance de la vie décroît avec la profondeur, fut acceptée à l'époque comme une pure et simple vérité… et affirmée comme telle pendant plus de 25 ans par la communauté scientifique, inhibant ainsi toutes recherches marines en profondeur (Anderson et Rice, 2006). Forbes, en toute connaissance, n’a fait que reprendre l’idée du géologue anglais Henry de La Beche (1796 - 1855) qui avait déjà proposé l'idée d'une mer profonde sans vie dès 1834 (de La Breche, 1834). Cette hypothèse était, après tout, logique : comment les animaux pourraient-ils survivre résister à l'obscurité, la pression et le froid de la mer profonde ? et soutenue par des scientifiques renommés comme Louis Agassiz (1807-1873) dans Agassiz et Gould (1851) ou David Page (1814 - 1879) dans Page (1856).
C'était en dépit d'évidences contraires scientifiquement établies. En effet, 30 années auparavant, un niçois Antoine Risso (1777-1845) a été le premier naturaliste à décrire dès 1810 des espèces de la faune profonde méditerranéenne dans « Ichtyologie de Nice… » il y fait référence à des poissons et crustacés qu'il pêchait au large de Nice et dans le golfe de Gênes entre 600 et 1000 m -, puis en 1816 dans son « Histoire naturelle des crustacés des environs de Nice » et en 1826 dans son « Histoire naturelle des principales productions de l'Europe méridionale… ». Mais, ses travaux ont été largement ignorés, tout comme les observations publiées par d’autres chercheurs.
En effet, dès 1818, John Ross (1777-1856) a fait une série de sondages sur la côte du nord-est du Canada (Ross, 1819) en signalant la présence de vers et d'étoiles de mer à des profondeurs de 600 brasses (1095 mètres). Son neveu James Clark Ross (1800-1862) a dragué du corail vivant et d'autres invertébrés marins de jusqu'à 400 brasses (approximativement 730 mètres) de profondeur pendant la British Antarctic Expedition de 1839-1843 (Ross, 1847). Quelques ans après, au large de la côte norvégienne et dans ses fjords, Michael Sars (1805-1869) et son fils Georg Ossian Sars (1837-1927) ont décrit des centaines d'espèces animales en draguant entre 200-300 brasses dans une série de rapports publiés dans divers journaux norvégiens pour dénoncer la théorie azoïque de Forbes, notamment dans Sars (1846) voir aussi d’autres références dans Sars (1872).
L'erreur d’interprétation de Forbes en Mer Méditerranée sera corrigée en 1861 par Alphonse Milne-Edwards (1835-1900) après que le câble sous-marin entre Cagliari (Sardaigne) et Bône (maintenant Annaba, Algérie) eût été relevé pour réparation par Henry Fleming Jenkin (1833-1885) pour le compte de la Mediterranean Telegraphy Company. Milne-Edwards y a découvert plusieurs dizaines d'exemplaires, surtout de Mollusques et de Coraux, vivant attachés à une portion cassée du câble télégraphique sous-marin, probablement au-delà de 1800 m (2000-2800 m selon Milne Edwards), mais moins selon des vérifications entreprises dans les années 1980.
Pour confirmer que les zones profondes ne sont pas azoïques, les premières grandes expéditions océanographiques sont entreprises, à partir de 1868, dans l’océan Atlantique Nord-Est et en mer Méditerranée, à l'instigation de l'Anglais Sir Charles Wyville Thompson. Mais la théorie de Forbes sera définitivement considérée comme obsolète qu’au cours des années 1872-1876 et l’acceptation par la communauté scientifique d’une vie dans les grandes profondeurs.
En effet durant ces années, Sir Charles Wyville Thomson (18301882) dirigea la fameuse expédition du HMS Challenger, couvrant 70 000 milles marins (127 000 Km) durant sa circumnavigation et réalisa des opérations en grande profondeur (à plus de 8 000 m), établissant définitivement que la vie existe à toutes les profondeurs des océans. Il faudra une vingtaine d'années à une centaine de savants pour dépouiller toutes les observations faites.
Cet événement est souvent considéré comme la naissance de l’océanographie. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le monde savant se tourne vers les profondeurs océaniques : l'océan devient en sa totalité objet d'étude, les premiers travaux d'océanographie dynamique, chimique, géologique et biologique sont publiés. L’intérêt pour les grands fonds n’est pas purement dû à la soif de connaissances.
Le maintien de l'hypothèse azoïque face à la controverse est un bon exemple de l'effet "baudruche". La polémique entourant l'hypothèse azoïque n'était pas tant due aux problèmes avec la théorie elle-même, mais plutôt à l'hésitation de beaucoup de scientifiques contemporains pour accepter l'évidence du contraire.
À l’instar de l’exemple ci-dessus, il faudra encore entre plus de 20 ans au XXe siècle, pour faire admettre la réfutation d’une théorie. Et elle ne concerne que la communauté scientifique. Alors quel peut être le délai quand le souvenir s’ancre dans le grand public ?
Luis Alvarez (1911-1988), lauréat du prix Nobel de physique en 1968, et son équipe de Berkeley, dont son fils Alvarez, géologue, ont présenté une thèse selon laquelle un astéroïde géant se serait écrasé sur la Terre, il y a 65 millions d'années, avec comme conséquence une extinction massive de la faune, y compris les dinosaures (Alvarez et al., 1980). En effet, l’énorme nuage de poussière dans l'atmosphère aurait plongé la Terre dans l'obscurité pendant plus d’un an et le coup de froid qui en a résulté a provoqué l'extinction faunistique qui a été estimée à 90% !
Leur théorie a été basée sur la présence d’une fine couche d'iridium, marquant la limite du Crétacé-Tertiaire (K-T). Certains objets extra-terrestres étant enrichies en iridium, Alvarez a fait valoir que l'iridium est la preuve de l'impact d’un objet extra-terrestre. La théorie d’Alvarez a été adoptée par la NASA comme base pour son programme Spacewatch le même mois que la publication (juin 1980). Cela s’explique par la bonne introduction dans le milieu politique jusque dans le bureau de plusieurs présidents, ce prix Nobel a réussi à « éliminer » tous les opposants scientifiques à sa théorie. Plusieurs de ces derniers ont témoigné des terribles conditions de harcèlements, de licenciements, de rejets de financements, qu’ils avaient subi jusqu’au décès de L. Alvarez en 1988 (voir MacLean). Un véritable maccarthysme scientifique qui a surtout touché les partisans d’un effet de serre avec réchauffement climatique progressif lié à des éruptions volcaniques massives, notamment le volcanisme Deccan Traps en Indes qui serait responsable de la « fameuse » couche d’iridium. Cette dernière théorie s’oppose à la précédente dans presque tous les aspects (MacLean, 1978, 1994).
Pourtant, de nombreux journalistes et scientifiques vulgarisateurs ont évidemment vu l’effet scoop sur le grand public au point qu’aujourd’hui encore aucun documentaire ne fournit la vérité, bien moins médiatique, sur ce supposé cataclysme extraterrestre.
Face à cette situation, dès 1982, des chercheurs français paléontologues et biologistes libres de toute pression politique américaine - ont obtenu du CNRS une RCP (Recherche contractuelle sur programme) n°664, intitulée Etude des crises paléogènes : point de vue paléontologique, dont les travaux ont été publiés dans le Bulletin de la section des Sciences du CTHS (divers auteurs, 1986). Le but était de dénoncer « la géologie-fiction et l’imagination souvent débordante des auteurs » américains (Poignant, 1984, p. 7-9 ; Emig, 1984) et d’invalider la théorie d’Alvarez, ce qui a été démontré. Mais, cette RCP ne sera pas renouvelée, ce qui laisse à penser que le sujet serait aussi devenu « politiquement » gênant en France, notamment pour les disciples français de la baudruche d’Alvarez.
L’extinction des dinosaures a été associée à la thèse d’Alvarez pour pouvoir expliquer leur brutale disparition. Dans les articles et documentaires grand-public, tous les dinosaures sont morts instantanément suite à l'impact du fameux astéroïde, il y a 65 MA. De même on continue de penser que les dinosaures étaient au faîte de leur diversité au moment de leur extinction, alors que le nombre d’espèces avait déjà diminué d’environ 40% au cours du Crétacé (-145,5 à -65,5 MA). Et les dinosaures n'étaient pas les seuls, puisque déjà 50 % des espèces de vertébrées avaient disparu au cours des 10 derniers MA du Crétacé (Williams, 1994 ; Archibald et MacLeod, 2007).
Un phénomène cataclysmique entraîne évidemment des survies différentielles selon les groupes zoologiques et leurs lieux de vie - terrestres dulçaquicoles marines. Ainsi, les survies dans la plupart des groupes marins ne sont guère compatibles avec un scénario catastrophe avec extinction de masse à la limite K/T (divers auteurs, 1984). En fait, les causes responsables à la fois de la diminution de la faune et de la flore crétacée et de l’émergence d’espèces nouvelles ne peuvent qu’être multiples. Elles sont surtout induites par les changements environnementaux qui se sont étalés sur des centaines de milliers d’années, voire 1-2 millions MA, notamment régression marine et disparition des mers épicontinentales, fragmentation d'habitat, volcanisme, baisse de la température… Il s’est confirmé que cet énorme astéroïde s’il a jamais existé, ce qui reste à démontrer, n’a jamais engendré le fameux cataclysme auquel certains ont voulu nous faire croire, et aujourd’hui encore !
À la fin du siècle dernier, l’extinction de la flore et de la faune crétacée sur terre et en eau douce était estimée à au moins 80 %, aujourd’hui la fourchette s’établit entre un probable 30 % et au plus 60%. Quant aux dinosaures, leur disparition s’étale sur 10-15 MA avec des causes pouvant être très différentes selon les espèces, notamment effet de serre ou refroidissement climatique touchant la reproduction des espèces, la concurrence avec les insectes, l'émergence de nouvelles maladies et la propagation des plantes à fleurs sur de très longues périodes de temps sont parfaitement compatible avec tout ce que nous savons au sujet de l'extinction des dinosaures (Pionar & Pionar, 2008 ; Gong et al., 2008).
Une remarque historique, aussi en relation avec le chapitre suivant : c’est Cuvier (1769-1832) qui fut, en 1812, le premier partisan du catastrophisme, théorie selon laquelle il y aurait eu plusieurs créations entrecoupées de catastrophes planétaires et qui permet de concilier la présence de fossiles d'espèces éteintes avec les récits bibliques (Cuvier, 1812). La tendance au catastrophisme est une caractéristique triviale de l’humanité à travers toutes ses civilisations. Les biologistes y sont plus réticents, mais géologues et paléontologues n’y échappent pas car les temps géologiques ont été ponctués de nombreuses extinctions catastrophiques (lire Babin, 2005).
On voit ainsi que le principe de la baudruche peut avoir son effet amplifié par le politique et surtout le médiatique, au point de choisir le sensationnel au détriment du scientifique. Mais ce choix est parfois fait par le chercheur lui-même en proposant la vulgarisation scientifique.
L'idée d'une évolution graduelle de la vie remonte à l’Antiquité grecque avec l’existence d’une échelle de complexité, la" Scala naturæ " (Aristote, 384322 avant J.C. : voir de Wit & Baudière, 1994), c’est-à-dire l’établissement d’une hiérarchie de l’ensemble des éléments figurés d’origine naturelle, selon une vision fixiste du vivant. On trouvait en bas de l’échelle les quatre éléments, puis les minéraux, suivis des végétaux, des animaux, puis l’Homme évidemment au plus haut de l’échelle, car il a été crée à l'image de Dieu et est moralement supérieur à toutes les autres espèces.
Au XVIIIe siècle, les idées fixistes sont partagées par un grand nombre de scientifiques, proposant une classification unique, dite Classification Naturelle. Cet "Ordre de la Nature" correspondait à celui de la Création dans la culture judéo-chrétienne. Le fixiste Carl von Linné (1707-1778), le père de la taxinomie, met en place la nomenclature binomiale, toujours en vigueur : Règne / Embranchement / Classe / Ordre / Famille / Genre / Espèce. Georges Buffon (1707 1788) bat en brèche les 6000 ans proposés par certains théologiens comme âge de la Terre, âge calculé à partir du recensement des générations décrites dans la Bible. Il propose 74 000 ans puis plusieurs millions d’années.
Au début du XIXe siècle apparaît le transformisme, c’est-à-dire l’idée que les organismes vivants peuvent se "transformer" suivant le temps est proposée dès 1801 par Lamarck (1744-1829), un disciple de Buffon. C’est la première théorie scientifique rendant compte d'un phénomène d'évolution des espèces dans le temps.
Geoffroy Saint-Hilaire (1772-1844) eu l’intuition de la notion d’homologie qui permet de comparer des organismes ayant même plan d’organisation.
En introduisant le concept de descendance avec modification, Charles Darwin (1809-1882) va donner une tout autre vision de la Classification Naturelle. Pour lui, les caractères utiles en taxinomie - les caractères homologues - sont ceux qui sont hérités d’un ancêtre commun : Classer les animaux et faire de la phylogénie deviennent alors une seule et même chose ; il ne peut y avoir qu’une seule classification naturelle, puisqu’il n’y a eu qu’une seule histoire de la vie sur Terre (Darwin, 1859).
Il introduit la sélection naturelle, idée-clé de Darwin, c’est-à-dire le résultat des conditions du milieu qui, dans leur ensemble, agissent à chaque instant en introduisant une inégalité entre les organismes qui, suivant leurs caractéristiques, seront plus ou moins favorisés.
Et son corollaire : la variation des caractères est indépendante de la sélection et donc la précède, étant donné qu’on ne peut sélectionner que des caractères qui existent déjà.
La lutte pour l’existence conduit à la survie des individus et des espèces les mieux adaptés à leur milieu. On constate qu’il y a une influence de la lutte pour l’existence sur la sélection naturelle et la sélection sexuelle : ce sont les variations qui procurent un avantage dans les rapports aux autres ou dans le rapport à l’environnement qui tendent à se préserver.
Ces points peuvent se résumer ainsi : c’est le retour du hasard et de la raison du plus fort sur la base de la sélection naturelle.
Le rôle du hasard en évolution est généralement abordé à travers l’étude des mécanismes, le hasard sert alors de caution pour "masquer" notre ignorance dans la mesure où nos connaissances ne nous permettent pas encore de le prévoir.
Comme pour la plupart des théories de l’évolution, celle de Darwin n’échappe pas à l’influence socio-économique de la période de son développement, durant laquelle la raison du plus fort était largement acceptée dans la société européenne.
Depuis la publication du livre de Darwin sur l’origine des espèces (1859), la théorie de l’évolution a connu divers développements sociétaux. Il engendre la doctrine de l’eugénisme, apparue à la fin du XIXe siècle.
Une théorie sociopolitique, le darwinisme social, est née en appliquant à l'humanité la théorie de l’évolution de Darwin, ce qui a favorisé des notions telles que : une amélioration du bien-être à partir de l’idée de lutte pour l’existence ; rejet de tout principe d’égalité ; liberté individuelle radicale favorisant la concurrence ; faire naître une race supérieure supplantant toutes les autres. L'idée de sélection sociale a inspiré les pires totalitarismes, notamment en Allemagne et en Union Soviétique. Le darwinisme social est radicalement critiqué par Henri Bergson (1859 1941) sans remettre en doute la théorie de l’évolution sur le plan biologique.
En 1900, lors de la « redécouverte des lois de Mendel » sur les règles de transmission des caractères héréditaires, et leur variation, c’est la notion de mutation qui se mêle aux idées darwiniennes. Il suffisait d’affecter aux caractères héréditaires des coefficients de sélection. Commence alors l’essor de la génétique des populations.
De la controverse, surtout dans la communauté des paléontologues, entre la conception très darwinienne du « gradualisme », c’est-à-dire d’une variation continue au cours du temps, et la théorie des « équilibres ponctués », c’est-à-dire que la variation se faisait de manière discontinue, par saut (voir Eldredge et Gould, 1972), apparaît la « synthèse évolutionniste », basée la vision gradualiste. Elle devient ensuite la théorie synthétique de l’évolution dans les années 1950-1960, initiée par le généticien Theodosius Dobzhansky (1900-1975), le systématicien Ernst Mayr et le paléontologue George G. Simpson (1902-1984). Cette théorie (aussi appelé néo-darwinisme) repose sur la phénétique, méthode corrélant le degré de ressemblance au degré de parenté.
Depuis la fin des années 70 début 80, la théorie synthétique a été supplantée par une nouvelle théorie, fondée sur la cladistique (ou le cladisme) qui est une méthode de reconstruction phylogénétique élaborée en 1950 par Willi Hennig (1913-1976), ainsi que sur la thermodynamique biologique initiée par le prix Nobel de physique Ilya Prigogine (1917-2003) sur les processus irréversibles et spécialement à la théorie des structures dissipatives.
Contrairement aux deux exemples précédents de l’effet baudruche, les théories de l’évolution sont des juxtapositions de « baudruches » car leur dégonflement est lent et dépend de l’activité des défenseurs de l’une ou l’autre théorie. La génétique qui connaît un fort développement n’apporte actuellement que peu de nouveautés, surtout des confirmations, car elle utilise à la fois la phénétique et la cladistique pour l’analyse des gènes, mais sans une relation directe avec la morphologie et l’anatomie. En outre, elle est inapplicable à la paléontologie.
Pour conclure brièvement, de nous jours, le principe de l'effet baudruche peut receler des pièges qui, pourraient se révéler bien plus dangereux quand le principe met en jeu des données comme surpeuplement, pollution et changement climatique. Toute polémique pourrait vite conduire à des conséquences graves si la baudruche n'explosait pas à temps. Et malheureusement, de plus en plus, les domaines politique économique et médiatique cherchent à s’imposer, voire à étouffer ou même se substituer, à la communauté scientifique et à ses hypothèses. Alors, il n’est pas sûr que la phrase de Thomas Henry Huxley (1853) mise sous le titre de ce travail soit encore vraiment d’actualité !
Ce travail a fait l’objet d’une communication orale au 134e Congrès National des Sociétés historiques et scientifiques (organisé par le Comité des Travaux Historiques et Scientifiques - CTHS, Paris - Bordeaux, 2009) : « Célèbres ou obscurs : Hommes et femmes dans leurs territoires et leur histoire ».
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Note :
[1] Selon le Trésor de la Langue française informatisé (ATILF, 2007), la définition originelle de baudruche est : membrane péritonéale du bœuf ou du mouton qui dégraissée et préparée en pellicule presque transparente sert à de nombreux usages, notamment à la fabrication d'objets gonflable, datant du XVIIe siècle.
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