Portail    |    Sommaire
                Sommaire des Dossiers Généalogie

 

Emig Christian C.
Directeur de Recherche Honoraire
au CNRS
BrachNet
20, rue Chaix
F-13007 Marseille

 

 

 

Introduction

Quelles hypothèses pour l'ajout devenu « Schmitt » pour former Peterschmitt ?

Note sur les Röss-Riss-Riess de Volgelsheim

Recherches historiques toponymiques

Références

Notes

 

Citation

 

 

Version

 

De l'origine bernoise des Peterschmitt

 

Christian C. Emig



Version            

by Google     mit Google

Introduction

Au sein de nos ascendants suisses du canton de Berne, principalement de l’Emmental et de Haute-Argovie (Oberaargau), et aussi de l’Argovie bernoise [1], quelques personnes sont devenues des Täufer (anabaptistes suisses) et ont été contraints d’émigrer avec leur famille vers l’Alsace et l’Allemagne suite à leurs persécutions à la fin du XVIIe-début XVIIIe siècle. Cette période correspond aussi à une forte émigration, notamment de la Suisse alémanique en Alsace, pour compenser la chute démographique suite à la Guerre de Trente-Ans. Ainsi, il est difficile, en généalogie, d’identifier les émigrants anabaptistes et ceux réformées (zwinglianistes) d’après leurs patronymes. Néanmoins, hors de Suisse, la plupart des anabaptistes ont rapidement remplacé leur nom d’origine par des variantes, voire des changements d’orthographe, par exemple le nom Schürch en possède environ soixante (Emig, 2009). Il devient donc souvent difficile de retracer la généalogie et l’histoire de ces familles depuis leur foyer initial (Burgerort) ou jusqu’à ce dernier. En plus, les anabaptistes n’ont pas de registres « paroissiaux » des actes qui ne sont mentionnés que dans leur Bible de famille – en France jusqu’à la création des registres d’état-civil en 1792 et l’adoption de la forme définitive du patronyme, devenu non modifiable. En outre, il est difficile de connaître les familles qui ont pu s’éloigner de la foi anabaptiste, voire rompre complètement les ponts avec la communauté.

Le patronyme Peterschmitt est plusieurs fois apparenté à mes familles tant paternelles que maternelles, protestantes (réformées zwinglianistes ou luthériennes) ou encore issues de Täufer du canton de Berne.

C’est en généalogiste que j’ai étudié les relations avec les Peterschmitt, principalement avec la branche du moulin de Sainte-Croix-en-Plaine (Emig, 2018). Grâce à l’extension continue de nos bases de données généalogiques, les parentés se sont élargies, des Schürch aux Baltzinger et alliés [2], et plus largement aux familles du Ried et du vignoble alsaciens.

La caractéristique récurrente de la mobilité des anabaptistes (Binnenwanderung) ne facilite pas la généalogie des familles toujours très nombreuses en enfants, avec absence de registres des actes, sauf quand ils deviennent ou catholiques ou protestants, et bien sûr à partir de 1793 en Alsace dans les registres d’état-civil. Ces déplacements sont imposés par le fait que l’héritage familial revient à l’aîné et les autres garçons deviennent journaliers, comme dans toute la population à l’époque. Cette règle générale est accrue, car ces journaliers travaillent au sein des communautés anabaptistes et des fermes gérées, puis achetées par eux, disséminées en Alsace, Lorraine et Allemagne ; ils se marient aussi entre eux avec une forte consanguinité. Les motifs ne sont donc pas seulement économiques, mais aussi liées à des considérations religieuses et communautaires.

Les anabaptistes exilés de Suisse ont eu un rapport singulier à leur patronyme, ce qui curieusement n’a jamais fait, à ma connaissance, l’objet d’études (Emig, 2009). Le nom Peterschmitt n’y échappe pas. Rappelons que l’identité d’une personne est donnée par son acte de naissance, en son absence toute supposition de parenté est possible, que la signature n’est que l’expression de celui qui signe ! Et que le prénom usuel en Alsace est le dernier quand il y en a deux ou trois (Emig, 2015, 2017).

Fig. 1. Arbre généalogique descendant sur quatre générations de Rudolf Peter (Peter schmid - Peterschmitt) - (les principales localités citées figurent la carte de la Fig. 2).

Il semble acquis, selon Baecher (2006, 2007), que le nom de l’émigrant suisse, originaire de Gontenschwil [3] et anabaptiste, était Rüdi (Rudolf) Peter ; né dans les années 1690, il se marie en 1711, puis s’exile vers l’Alsace et l’Allemagne avec son épouse et deux enfants vers 1714. L’arbre de la descendance actualisé, jusqu’à la 4e génération, est donné sur la figure 1, ainsi qu’une carte des principales localités citées (Fig. 2).

Alors, quelles hypothèses pour l'ajout devenu "Schmitt" pour former Peterschmitt ?

Celui-ci pouvait avoir été fait par un ascendant pour se distinguer des autres Peter de Gontenschwil en y ajoutant son métier Schmied-Schmied-Schmitt (forgeron sens large) ou/et peut-être de son origine géographique, car, à quelques kilomètres, jouxtant le ban de Gontenschwil, se trouve un village nommé Schmiedrued [4], connu pour ses Hammerschmiede (estampeurs ou orfèvres) depuis le XVe jusqu’au début du XXe siècle.

Dans des baux signés en Alsace (Baecher, 2007), on trouve la mention « Rudolf Peter schmiden » en 1725, puis en 1745. Rien n’indique si cet usage est récent ou remonte en Suisse. Dans le premier cas, on peut évoquer que la signification de cet ajout peut aussi se rechercher dans un autre sens de mot Schmid que celui de forgeron, à savoir conseiller ou avoir du caractère (voir les lexiques suisse et allemand cités en Références) : car, aucun des membres de la famille n’est forgeron. De même, cet ajout n’exclut pas la possibilité de se distinguer des autres familles au patronyme Peter recensées dans le Ried colmarien.

Fig. 2. Carte des principales localités citées.

Enfin, rien ne permet d’affirmer que les porteurs du nom Peterschmitt appartiennent tous à une même famille, ni qu’ils étaient tous anabaptistes.

Et les parents et frères et sœurs de l’émigrant Rudolf Peterschmitt restent totalement inconnus ; ces lacunes existent aussi pour ceux de son épouse Catharina Riss (voir Note ci-dessous) et les conjoints leurs enfants. Néanmoins, il convient de citer plusieurs immigrants suisses signalés dans les registres paroissiaux luthériens :

  • Huntzinger Melchior, né vers 1646 à Moosleerau (Argau), situé à moins de 10 km de Gontenschwil ; il se marie à Riquewihr le 13 avril 1671.
  • Huntzinger Samuel, né vers 1661 à Staffelbach (Aargau), à quelques km des deux villages cités, avec son épouse Maria (mariage à Lembach, canton de Berne) : ils sont métayers à Heidolsheim, à 5 km de Mussig. Ils ont 13 enfants.
  • Hochstettler Jacob (1671-1732) né à Winterkraut (canton de Berne) et venu s’installer dans la vallée de Sainte-Marie-aux-Mines ; Joseph pourrait bien être un fils, voire petit-fils.

Note sur les Röss-Riss-Riess de Volgelsheim

Dans le testament d’Anna Schmid (Peter n’est pas mentionné – Baecher, 2007), épouse de Peter Rothacker, fermier au château de Rüppurr, Jacob Riss est mentionné comme demi-frère, cultivateur et meunier au Pulvermühle de Volgesheim (un moulin de poudre à canon). Les deux sœurs d’Anna sont installées avec leur famille comme métayers à St. Jakob à Bâle (Fig. 1).

Deux mariages Riess (de Volgelsheim) x Baltzinger, en 1853 et en 1887, tous deux à Algolsheim, ont conduit à rechercher les ascendants pour voir s’il y avait un lien de parenté avec Jacob Riss ; en effet, Marie Madeleine Baltzinger (1921-1999) de Muntzenheim, épouse de Willy Peterschmitt (1925-1993), partage respectivement 17 et 49 ancêtres communs avec ces deux Baltzinger, épouses Riess. Aucun lien avec Jacob Riss n’a pu être mis en évidence. Mais il est apparu que le patronyme a évolue dans le temps : de Röss, il est devenu Riss, puis Riess (ou Rieß) dans la même lignée. Le métier exercé était principalement celui de tisserand ou de tailleur d’habits. L’ancêtre est Johann Jacob Röss, né vers 1690 à Volgelsheim marié avec Maria Salome Hanhardt, né en 1696.

Dans une autre lignée Riss à Volgelsheim, le fils Andreas de Jacob Riss, prévôt à Volgelsheim, et Anna Maria Lentzinger (née à Riquewihr en 1744) est meunier.

Recherches historiques toponymiques

Elles ont permis d’apporter des précisions sur quelques lieux.

1. - Le domaine agricole Spitalhof (Spitahlhof) est sis entre Marlen (D-77694 Kehl) et le Rhin – à ne pas confondre avec le Hörterhof sis à quelques km, au Nord d’Eckartsweier (D-77731 Willstätt). D’après Baecher (2007), après son émigration en 1714, Rudolf Peterschmitt a vécu à Denzlingen en 1715, ensuite il devient fermier au Spitalhof en 1725 (Fig. 2, 3), puis à Baldenheim (1745-1747), à Fortschwihr (1748-1752).

Fig. 3. Carte cadastrale de Marlen en 1774 - à noter que l’échelle est en pieds français (französische Schuhe).

2. - D’après le testament d’Anna (Peter)Schmid, épouse de Peter Rothacker (Baecher, 2007), ces derniers étaient fermiers au château de Rüppurr (Fig. 2, 4) qui appartenait, depuis 1600, aux margraves (protestants) de Bade-Durlach (Markgrafschaft Baden-Durlach), le margrave étant Karl-Friedrich (1728-1811). En 1907, Rüppurr fut rattaché à la ville de Karlsruhe.

Au moment de la succession de son épouse, Peter Rothacker avait (aussi ?) en bail le domaine agricole du château d’Obermönsheim (Fig. 1, 2) qui appartenait jusqu'en 1782 aux barons von Rieppur, puis aux von Phull-Rieppur jusqu'en 1918 (date à laquelle le château brûle presque entièrement) ; en effet, sans descendant mâle, la lignée s’éteint et la baronne Friederike von Rieppur d’Obermönsheim se marie en 1787 avec le baron Ernst August von Phull. Le château et son domaine faisaient partie du margraviat de Bade-Durlach, non de Mönsheim ou de Pforzheim.

Le Château de Rüppurr a été démoli en 1762, et plus d’un siècle plus tard une grande partie des bâtiments de la ferme. Aujourd’hui, seuls le moulin et le bâtiment de la métairie subsistent (Fig. 4).

Fig. 4. Reconstitution du château de Rüppurr et ses dépendances d’après un plan de 1740. Voir aussi http://www.peter-hartleb.de/ et https://ka.stadtwiki.net/.

3. - L’Alsace n’a jamais été une région ayant eu un seul dirigeant, mais un énorme patch-work (voir Emig, 2012) se distribuant entre de très nombreux possédants principalement du Saint Empire Romain de la Nation allemande (la dénomination correcte du Reich depuis la fin du XVe siècle : Heiliges Römisches Reich Deutscher Nation). La religion y jouait un rôle prépondérant suite à la Paix d’Augsbourg en 1555 fondé sur l’édit « cujus regio, ejus religio », puis après 1680 avec la pression catholique par Louis XIV et ses descendants. On peut se poser la question de la mobilité des fermiers et des familles anabaptistes en fonction de l’appartenance des domaines agricoles dans lesquels ils travaillaient. Par exemple, Mussig faisait partie de la seigneurie (protestante) de Rappolstein (Ribeauvillé) de 1613 jusqu’à la Révolution, tandis que le village voisin Baldenheim était un fief appartenant aux ducs (protestants) de Wurtemberg, qui possédait aussi les seigneuries de Riquewihr et de Horbourg.


En conclusion, la généalogie des ascendants des familles Peterschmitt demande encore bien des recherches. Les résultats seront d’autant plus rapides que l’accès aux données numérisés sera possible, facilité et en libre accès. Si chaque religion a ses caractéristiques historiques et traditionnelles qu’il faut connaître, la généalogie ne peut en aucun cas se restreindre aux seuls membres d’une seule communauté religieuse, car c’est un outil basé sur la parenté et non les croyances (Emig, 2015, 2017).

Références

Baecher R. (2004). Entre légende et réalité : les Peterschmitt. Souvenance anabaptiste, 23, p. 15-39.

Baecher R. (2006). Le domaine de Schoppenwihr et les anabaptistes. Contribution à l'histoire des anabaptistes des environs de Colmar au XVIIIe siècle. Souvenance anabaptiste, 25, p. 16-42.

Baecher R. (2007). L'apparition du nom Peterschmitt. Complément d'enquête. Souvenance anabaptiste, 26, p. 61-70.

Bouisson A. - http://gw0.geneanet.org/abouisson, consulté le 3 mai 2018.

Dellsperger R. &‎ H. R. Lavater, eds (2007). Die Wahrheit ist untödlich: Täufer in Geschichte und Gegenwart – Beiträge eines Vortragszyklus an der Universität Bern im Winter 2006/2007. Mennonitica Helvetica, 30, 344 p.

Emig C. C. (2009). Patronymic changes of the name Schürch. Schürch Family Association of North America, Biannual Newsletter, 27B, p. 6.

Emig C. C. (2012). Alsace entre guerres et paix. In : Faire la guerre, faire la paix : approches sémantiques et ambiguïtés terminologiques. Actes des Congrès des Sociétés historiques et scientifiques, éd. Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, Paris, p. 195-207.

Emig C. C. (2015). De la généalogie protestante en Alsace... quelques remarques et conseils. Nouveaux eCrits scientifiques, NeCs_01-2015, p. 1-8.

Emig C. C. (2017). Des règles, lois et coutumes françaises, suisses et allemandes à appliquer en généalogie. Nouveaux eCrits scientifiques, NeCs_01-2017, p. 1-13.

Emig C. C. (2018). Descendants d'Anna Schürch en Franche-Comté et en Alsace. Nouveaux eCrits scientifiques, NeCs_01-2018, 48 p. - 2e édition.

Emig C. C. - https://gw.geneanet.org/emig , consulté le 3 mai 2018.

Emig C. C. – Généalogie – Genealogy. http://cdemittelwihr.free.fr/genealogie-genealogy/, consulté le 3 mai 2018.

Famille Emig – Bouisson - http://emig.free.fr/, consulté le 3 mai 2018.

Grimm J. & W. Grimm (1854-1961). Deutsches Wörterbuch. 19. Jahrhundert. http://woerterbuchnetz.de/DWB/ - Source Leipzig, 1971: version en ligne 2017.

Hofman U. & M. Rosselet (2007). L'expulsion des Anabaptistes du Canton de Berne en 1710. In : Séminaire d'histoire moderne « L' Europe des Lumières : des réformes en mouvement », Université de Lausanne, 51 p.

Peterschmitt E. & Nafziger H. (1991). Les Peterschmitt, le rôle important du Rheinfelderhof. Souvenance anabaptiste, 10, p. 20-37.

Séguy J. (1977). Les assemblées anabaptistes-mennonites de France. Collection Sociétés, mouvements sociaux et idéologies. Études, Vol. 17, 904 p.

Schweizerisches Idiotikon digital : Schweizerisches Idiotikon digital, Band I & II (1744), consulté le 3 mai 2018.

Schwindt F. (2009). La diffusion de la communauté mennonite en France d'après l'étude des patronymes (XVIIe-XXe siècles). Revue historique, 3 (651), p. 561-593.


Notes :

[1] Ce n’est qu’en 1798 que le canton d’Argovie a été créé, lors de l’occupation française avec la création de la République Helvétique. L’Argovie bernoise était dans le canton de Berne.

[2] Les récentes recherches ont montré deux mariage Riess x Baltzinger à Vogelsheim > voir Note....

[3] A partir de 1798 canton d’Argovie (Aargau).

[4] Pour l’amateur que je fus des « Willisauer Ringli » dans ma jeunesse, c’est Heinrich Maurer boulanger né à Schmiedrued qui les rendit célèbre : il épousa Anna Payer de Willisau où ils s’installèrent. Vers 1850, il prit connaissance par Martha, cousine de sa femme, plus tard sa seconde épouse, de la recette utilisée au château Heidegg où elle était dame de compagnie. La boulangerie était sise au 26 de la rue principale (Hauptgasse) : http://www.willisauerringli.ch/?Ursprungshaus:Geschichte.



Emig C. C. 2018. De l’origine bernoise des Peterschmitt. Nouveaux eCrits scientifiques, NeCs_02-2018, p. 1-6..
[Version PDF]


Mise en ligne le 5 mai 2018 - © Christian C. Emig - Nouveaux eCrits scientifiques