"Voguer de Charybde en Scylla"

signifie "éviter un péril pour tomber sur un autre". Charybde symbolise le « tout ou rien », la mort pour tous ou la vie pour tous, selon un jeu de probabilité. Et Scylla incarne la mort certaine pour une partie de l'équipage, mais la vie pour les autres. Il s'agit d'un choix entre le sacrifice calculé ou l'avenir aléatoire de la vie de tous.

Cette légende se trouve dans le Chant 12 de l'Odyssée d'Homère - à lire ci-contre >>

    D'après la mythologie grecque, Charybde était la fille de Poséidon et de Gaïa. Elle était perpétuellement affamée. Lorsqu'elle dévora le bétail d'Héraclès, Zeus la punit en l'envoyant au fond d'un détroit. Elle se mit à avaler la mer et les bateaux trois fois par jour, ce qui rendait la navigation extrêmement périlleuse.

    Or, non loin de là vivait Scylla, une nymphe dont Glaucus était follement amoureux. Celui-ci alla demander à la magicienne Circé un philtre d'amour, mais celle ci était folle amoureuse de Glaucus et jalouse de Scylla, et profita de l'occasion pour la changer en un monstre terrifiant, ayant douze moignons pour pieds et six têtes juchées au bout de longs cous sinueux. Autour de sa taille jaillissaient des têtes de chiens qui aboyaient. Elle habitait une caverne et dévorait tout ce qui passait à sa portée.

    Ainsi, un marin qui réussissait à échapper à l'un des monstres risquait fort de tomber dans la gueule de l'autre. Charybde et Scylla symbolisent respectivement les marées et les récifs du détroit.Ces deux monstres exprimaient poétiquement les dangers guettant les premiers marins grecs qui s'aventurèrent dans les eaux inconnues de la Méditerranée occidentale.

    Mais où se trouve ce détroit ? En mer Méditerranée certes. Il est notoire qu'il s'agit du détroit de Messine, mais d'autres plus récemment pensent au Bosphore. Ce dernier est lié au mythe de l'Atlantide qui place deux créatures dans le détroit du Bosphore, portant alors les noms en sanscrit de Kâlî et Shiva sur les tablettes cimmérienes retrouvées en 1972 à Ploiesti, en Roumanie ; dans cette hypothèse l'île de Hélios pourrait correspondre à la Crète.

    Aucun récit évoquant ce détroit - Odysée d'Homère, l'Enéide de Virgile, la mythologie de Jason et des Argonautes, l'Épopée de Gilgamesh, etc. ne donne la solution.

 

 

 

 

Nota: Hèlios possède des troupeaux de bœufs et de moutons dans l'île de Trinacrie (Trinakria = trois pointes en grec est le nom de la Sicile pour les Grecs anciens)

    Hèlios est le fils du Titan Hypérion et de sa sœur Théia, ou d'Euryphaessa, également sa sœur. Contrairement à Apollon, dieu du soleil, de la lumière et des arts, Hélios est la personnification du Soleil lui-même. Il est le frère de Séléné, représentant la Lune, et d'Éos qui symbolise l'Aurore.

 

L'Odyssée d'Homère

(traduction de Leconte de Lisle, 1818-1894)


Extrait du Chant 12

    Après que nous les eûmes dépassées et que nous n'entendîmes plus leur voix et leur chant, mes chers compagnons retirèrent la cire de leurs oreilles et me détachèrent ; mais, à peine avions-nous laissé l'île, que je vis de la fumée et de grands flots et que j'entendis un bruit immense. Et mes compagnons, frappés de crainte, laissèrent les avirons tomber de leurs mains. Et le courant emportait la nef, parce qu'ils n'agitaient plus les avirons. Et moi, courant çà et là, j'exhortai chacun d'eux par de douces paroles :

    " Ô amis, nous n'ignorons pas les maux. N'avons nous pas enduré un mal pire quand le Kyklôps nous tenait renfermés dans sa caverne creuse avec une violence horrible ? Mais, alors, par ma vertu, par mon intelligence et ma sagesse, nous lui avons échappé. Je ne pense pas que vous l'ayez oublié. Donc, maintenant, faites ce que je dirai ; obéissez tous. Vous, assis sur les bancs, frappez de vos avirons les flots profonds de la mer ; et toi, pilote, je t'ordonne ceci, retiens-le dans ton esprit, puisque tu tiens le gouvernail de la nef creuse. Dirige-la en dehors de cette fumée et de ce courant, et gagne cet autre écueil. Ne cesse pas d'y tendre avec vigueur, et tu détourneras notre perte"

    Je parlai ainsi, et ils obéirent promptement à mes paroles ; mais je ne leur dis rien de Skyllè, cette irrémédiable tristesse, de peur qu'épouvantés, ils cessassent de remuer les avirons, pour se cacher tous ensemble dans le fond de la nef. Et alors j'oubliai les ordres cruels de Kirkè qui m'avait recommandé de ne point m'armer. Et, m'étant revêtu de mes armes splendides, et, ayant pris deux, longues lances, je montai sur la proue de la nef d'où je croyais apercevoir d'abord la rocheuse Skyllè apportant la mort à mes compagnons. Mais je ne pus la voir, mes yeux se fatiguaient à regarder de tous les côtés de la Roche noire.

    Et nous traversions ce détroit en gémissant. D'un côté était Skyllè ; et, de l'autre, la divine Kharybdis engloutissait l'horrible eau salée de la mer ; et, quand elle la revomissait, celle-ci bouillonnait comme dans un bassin sur un grand feu, et elle la lançait en l'air, et l'eau pleuvait sur les deux écueils. Et, quand elle engloutissait de nouveau l'eau salée de la mer, elle semblait bouleversée jusqu'au fond, et elle rugissait affreusement autour de la Roche ; et le sable bleu du fond apparaissait, et la pâle terreur saisit mes compagnons. Et nous regardions Kharybdis, car c'était d'elle que nous attendions notre perte ; mais, pendant ce temps, Skyllè enleva de la nef creuse six de mes plus braves compagnons. Et, comme je regardais sur la nef, je vis leurs pieds et leurs mains qui passaient dans l'air ; et ils m'appelaient dans leur désespoir.

    De même qu'un pêcheur, du haut d'un rocher, avec une longue baguette, envoie dans la mer, aux petits poissons, un appât enfermé dans la corne d'un boeuf sauvage, et jette chaque poisson qu'il a pris, palpitant, sur le rocher ; de même Skyllè emportait mes compagnons palpitants et les dévorait sur le seuil, tandis qu'ils poussaient des cris et qu'ils tendaient vers moi leurs mains. Et c'était la chose la plus lamentable de toutes celles que j'aie vues dans mes courses sur la mer.

    Après avoir fui l'horrible Kharybdis et Skyllè, nous arrivâmes à l'île irréprochable du Dieu. Et là étaient les boeufs irréprochables aux larges fronts et les gras troupeaux du Hypérionide Hèlios. Et comme j'étais encore en mer, sur la nef noire, j'entendis les mugissements des boeufs dans les étables et le bêlement des brebis ; et la parole du Divinateur aveugle, du Thébain Teirésias, me revint à l'esprit, et Kirkè aussi qui m'avait recommandé d'éviter l'île de Hèlios qui charme les hommes.

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