Phoronida: Fossiles

Mise à jour le 13 février 2023    
 

 

L'origine des Phoronida, certainement monophylétique avec les autres Lophophorata, se situe il y a environ 800 à 1000 Ma. Quoique, comme fossiles, les phoronidiens ne se connaissent que depuis le Dévonien (le brachiopodes depuis le Cambrien et les bryozoaires de l'Ordovicien): ils ont conservé une forme et un mode de vie ancestraux, proches de celui du prédécesseur phylogénétique protolophophorien (Emig, 1984).

Plusieurs auteurs (Fenton & Fenton, 1934 ; Avnimelech, 1955 ; Josey, 1959 ; Voigt, 1972 ; Mackinnon & Biernat, 1970 ; Sokoloski, 2005 ; Wisshak et al., 2017) ont suggéré que des tubes ou des terriers cylindriques fossiles (par ailleurs, décrits sous divers ichnogenres, tels que Skolithos, Talpina, Diorygma...) pourraient être ceux de Phoronida. Voigt (1975), confirmant en 1978, a, le premier, démontré que l'ichnogenre Talpina von Hagenow, 1840, correspondait à des tubes de phoronidiens. Voigt (1972) a aussi indiqué que Conchotrema Teichert, 1945, est un synonyme plus récent de Talpina, ce qui fut confirmé par Plewes (1996).

Talpina est relativement abondant, bien connu du Crétacé (Voigt, 1972) et du Jurassique (Fürsich et al., 1994). L'ichnogenre Talpina est connu depuis le Dévonien supérieur (Thomas, 1911 ; Rodriguez & Gutschick, 1970 ; Bromley, 2004), de même que les tubes fossiles de phoronidiens ont été signalés depuis le Dévonien (voir Emig, 1982).

Talpina a été signalée perforant dans divers substrats, comme des algues calcaires, des tests d’échinides, des coquilles de mollusque ou des rostres de bélemnites. Voigt indique les critères à utiliser pour identifier les tubes de phoronidiens, afin de les distinguer d’autres tubes semblables comme ceux de thallophytes, d’éponges, de bryozoaires ou de « vers » s.l. La présence fréquente de foraminifères s’agglutinant autour de l'ouverture du tube fossile identifié comme appartenant au genre Phoronopsis, en suggérant un possible commensalisme entre les deux organismes dans le Maastrichtien Supérieur (Voigt, 1970), n'a jamais été confirmée dans l’actuel.

Les tubes de l'ichnogenus Talpina ramosa perforant fréquemment les rostres de Belemnella et Belemnitella (cf. Voigt, 1972 ; Wisshak et al., 2017) sont décrits dans les cavités provenant de la destruction diagénétique de coraux aragonitiques dans la craie du Maastrichtien (Voigt, 1978).

Towe (1978) et Larsson (1979) ont proposé un rapprochement des Tentaculites avec les brachiopodes ou peut-être plus étroitement avec les phoronidiens. Cependant, le dernier auteur a noté que le système alimentaire des phoronidiens est incompatible avec le mode de vie planctonique proposé pour certains tentaculites. Vinn (2005) et Vinn & Mutvei (2005) ont formulé l'hypothèse que les phoronidiens pourraient être le groupe vivant le plus proche de Cornulites et Tentaculites, mais aussi les brachiopodes ou les bryozoaires (Vinn & Isakar, 2007). Mais reconstruire les cornulites sur la base du « squelette phoronidien » n'est que spéculatif. Les deux seuls groupes avec lesquels les Cornulites peuvent être directement comparés sont les bryozoaires et les cnidaires, avec ces derniers des morphologies et des structures de la coquille comparables ont été décrites (Herringshaw et al., 2007).

Iotuba chengjiangensis est décrite par Chen & Zhou (1997) dans la faune du Chengjiang (Cambrien Inférieur, Chine) à partir de trois exemplaires : il s'agirait d'un phoronidien possédant un tube digestif en U et des tentacules. De cette même faune, un autre fossile, à corps mou, a été considéré comme un phoronidien et nommé Eophoronis par Chen (2004). Mais, les affinités de ces fossiles ont été mises en question par Cohen & Weydmann (2005), et selon Conway Morris (2006) et Huang (2006), ils peuvent appartenir aux priapulides. Et Zhang et al. (2023) considèrent ces descriptions comme des nomen nudum [*] selon l'art. 13.1 du Code, car leurs descriptions n'ont pas été accompagnées d'une diagnose [*] ; en conséquence, ils définissent un nouveau genre et espèce sous Iotuba chengjiangensis dont les caractéristiques sont celles des annélides flabelligeroides, car ils n'ont aucune affinité avec les Lophophorata, et les Phoronida en particulier.
[*] - En français, les mots en latin ne se déclinent pas. - Il y a souvent confusion entre description et diagnose, surtout en paléontologie.

Lapispecus hastatus Wisshak et al., 2017 est une ichnoespèce perforante et tubulaire, et parfois ramifiée, dans des rostres de Bélemnites (calcaires du Campanien inférieur, Crétacé) à Höver (Allemagne) : le responsable potentiel serait un sipunculien ou un phoronidien. Malheureusement, les caractéristiques des perforations ne sont pas compatibles avec celles des phoronidiens, notamment à cause d'un diamètre inférieur à 0,5 mm, de la disposition des tubes. - Voir figure ci-contre (from Wisshak et al., 2017, modified) - cliquez dessus pour agrandir.

Skolithos linearis Haldeman, 1840 l'espèce type de l'ichnogenre, a été redécrite par Knaust et al. (2018) : le responsable potentiel du tube serait une polychète annélide ou un phoronidien, daté du Cambrien. Néanmoins, les tubes des fig. 11 et 12 de ces auteurs ne peuvent être attribués à un phoronidien, car sa partie postérieure est arrondie et fermée. Or, chez les phoronidiens, cette partie est de forme conique et possède toujours une petite ouverture terminale : ce détail est souvent ignoré et pourtant primordial dans le tube des phoronidiens (Pourreau, 1979).

Il y a une tendance dans les travaux récents d'attribuer à des phoronidiens fossiles des traces fossiles comme des tubes ou des perforations - sans aucune comparaison avec leur vrai tube pourtant parfaitement caracteristique tant par sa structure que par sa composition chimique. En outre, il semble difficilement acceptable de dresser un arbre phylétique sur un tube hypothétiquement attribué à un phoronidien, comme le propose Skovsted et al. (2008). Une courte révision a été proposée par Emig (2010), et à lire aussi "des fossiles rapportés à des phoronidiens."

Estimations de la divergence moléculaire entre Brachiopodes et Phoronidiens (d'après Sperling et al., 2011, modifiée).

Selon ces auteurs, l'âge moyen de la divergence au sein des brachiopodes entre Linguliformea et Rhynchonelliformea est à 547 Ma, tandis qu'entre brachiopodes et phoronidiens, elle est à 578 Ma.
Commentaires personnels : Sur la base des caractères morpho-anatomiques, nous avons estimé cette dernière divergence beaucoup plus tôt dans le temps géologique (Emig, 2008). L'arbre sur la figure confirme la présence de trois principaux groupes de phoronidiens comme indiqué et décrit par Emig (1985). P : radiation possible entre Phoronis (probablement P. psammophila) et Phoronospsis (probablement Phoronopsis albomaculata) ; G : radiation possible entre Lingula et Glottidia ; couleurs des ères d'après la carte chronostratigraphique internationale (2013).

Les vers tubicoles généralement identifiés comme des « Spirorbis » vont de l'Ordovicien à l’actuel. Ils incrustent généralement des coquilles et autres substrats. Si les Spirorbis actuels sont classés dans les annélides polychètes, Taylor & Vinn (2006) rapportent les « Spirorbis »avant le Crétacé selon les détails de la structure du tube à des Microconchida. Il s’agirait  d’un ordre disparu apparenté à de très hypothétiques lophophorates, caractérisés par un tube spirorbiforme microchonchide. Un tel tube ne peut être rapporté à ceux des  Phoronida... sur la base de la structure spécifique de tube  et de la forme rectiligne de ces derniers (voir ci-dessous ; et Références).
Les tubes de « Spirorbis », connus dans les archives géologiques depuis le Silurien jusqu'au Jurassique moyen, ont été assignés à des milieux marins et non d'eaux douces ou saumâtre, car ils ont être interprétés comme tubes de Phoronida d'origine microconchide selon Gierlowski-Kordesch & Cassle (2015). Néanmoins, les tubes de Phoronida sont toujours rectilignes : en effet les muscles longitudinaux responsables du retrait rapide de l'animal dans son tube nécessitent d'un tube droit. Ces tubes sont toujours enfoncés dans des substrats meubles ou dans des perforations, ils ne sont qu'exceptionnellement incrustants et toujours en grandes masses. Les tubes figurées par Vinn (2006), Taylor & Vinn (2006), Gierlowski-Kordesch & Cassle (2015) ne peuvent correspondre à des tubes de phoronidiens à cause des sécrétions cellulaires utilisées dans la formation du tube, par sa structure et morphologie rigide du tube (Pourreau, 1979a, 1979b).
Par ailleurs, les phoronidiens ne sont pas uniquement inféodés par les environnements marins comme souligné par ces auteurs; ils sont aussi capables de vivre dans des eaux plutôt saumâtres, selon les fluctuations de la salinité et du temps de vie sous de telles conditions.

Rappel : le tube d'un phoronidiens est tellement caractéristique qu'il ne peut être confondu avec tout autre tube. Mais cela implique d'en avoir déjà vus et touchés en réel et non en photo. Quand à sa fossilisation, la question reste posée, car elle ne semble possible que dans des conditions toutes particulières - comme le cas des valves de brachiopodes lingulidés (voir Emig, 1990).


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Références sur les phoronidiens fossiles