Sommaire
[Introduction] [I - Les options prises pour la construction du tableau]
[II- Caractères et comparaison ...] [III - Les zonations de foraminifères]
[Conclusions]
[Références bibliographiques] et ... [Tableau]
26, rue de Nottingham, 62100 Calais (France) ; Biogéosciences, UMR 5561
CNRS, Université de Bourgogne, 6 boulevard Gabriel, 21000 Dijon (France)
Faculté Polytechnique, 9, rue de Houdain, 7000 Mons (Belgique)
Manuscrit en ligne depuis le 17 Mai 2008
Depuis la fin du 19ème siècle, l'intervalle comprenant l'Albien supérieur élevé, le Cénomanien, le Turonien et le Coniacien basal a été subdivisé d'abord en zones d'ammonites puis, à partir du milieu du 20ème siècle, en zones de foraminifères planctoniques, deux groupes de macro- et de microfossiles particulièrement efficaces en bio-chronostratigraphie grâce à leur taux d'évolution rapide. Toutefois, des différences de compositions fauniques entre le domaine boréal (Europe du Nord-Ouest) et le domaine téthysien (Méditerranée) ont longtemps empêché des corrélations précises entre ces deux domaines. Aujourd'hui, dans un intervalle de temps couvrant environ 16 millions d'années, on dénombre 29 zones d'ammonites en domaine téthysien contre 24 en domaine boréal parmi lesquelles 16 sont communes aux deux domaines. Pour les foraminifères planctoniques, on compte 11 zones en domaine téthysien et 10 en domaine boréal, dont 7 communes.
Crétacé ; Albien ; Vraconnien ; Cénomanien ; Turonien ; ammonites ; foraminifères ; zones ; zonation ; Téthys.
Carnets de Géologie / Notebooks on Geology, Brest, Note brève 2008/02-fr (CG2008_L02 (fr))
F. & F. (2008).- Zones d'ammonites et de foraminifères du Vraconnien au Turonien : Une comparasion entre les domaines boréal et téthysien (NW Europe / Tunisie centrale).-Zonation by ammonites and foraminifers of the Vraconnian-Turonian interval: A comparison of the Boreal and Tethyan domains (NW Europe / Central Tunisia).- Since the end of the 19th century the interval comprising the uppermost Upper Albian, the Cenomamian, the Turonian and the basal Coniacian has been subdivided, first into ammonite zones, then, beginning in the middle of the 20th century, into zones of planktonic foraminifera. These two groups, one macrofossil, the other microfossil, are particularly effective for bio-chronostratigraphy thanks to their rapid rates of evolution. But differences in the faunal makeup between the Boreal domain (northwestern Europe) and the Tethyan domain (Mediterranean) have for a long time hindered precise correlation of the two domains. Today, in a time interval covering about 16 million years, there are 29 ammonite zones in the Tethyan domain versus 24 in the Boreal one, of which 16 are common to both domains. For the planktonic foraminifera the Tethyan domain has 11 zones, the Boreal domain 10, with 7 in common.
Cretaceous; Albian; Vraconnian; Cenomanian; Turonian; ammonites; foraminifers; zones; zonation; Tethys.
Les travaux biostratigraphiques que nous avons engagés depuis plusieurs décennies dans les domaines boréal et téthysien ont apporté un grand nombre d'informations et c'est l'occasion ici de faire un point synthétique sur les zones d'ammonites et de foraminifères reconnues dans le Crétacé "moyen" des deux domaines (1992, 2002, 2008 ; & , 2001 a-b ; et alii, 2005 ; et alii, 1990, 1994) Les résultats d'une comparaison des diverses zones apparaissent sur un tableau (Tableau ) qui permet de visualiser clairement les options prises pour sa réalisation. Une telle mise en relation des zones ne doit pas être comprise comme une sorte d'exercice purement académique mais plutôt comme un essai de comparaison d'intervalles biostratigraphiques devant faciliter la synchronisation plus précise d'événements qui se sont produits dans la partie moyenne du Crétacé dans les deux domaines, qu'ils soient d'ordre lithologique, biologique, géochimique eustatique ou autre.
,La zonation d'ammonite en usage actuellement dans la partie moyenne du Crétacé du NW de l'Europe, région qui inclut les stratotypes historiques des étages Albien, Cénomanien et Turonien, est l'une des plus précises qui soit. Son examen appelle quelques commentaires : (i) la plupart des index de zone ont une large distribution géographique ; (ii) dans les intervalles où cette construction est possible, les espèces choisies appartiennent à la même lignée phylétique, par exemple à l'Albien supérieur-Vraconnien avec une succession de Mortoniceras à deux tubercules par côte (M. pricei), puis trois (M. inflatum, M. fallax) et enfin quatre tubercules par côte (M. perinflatum) ; (iii) une importante lacune de sédimentation détermine un hiatus dans la succession des faunes d'ammonites entre le Vraconnien et le Cénomanien, sauf dans le domaine vocontien (Mont Risou, 1996) ; (iv) enfin, au Turonien moyen, tandis que les faciès crayeux du Nord du bassin anglo-parisien et de Westphalie ( et alii, 1996) contiennent une faune typiquement boréale à Collignoniceras, les tuffeaux de la bordure sud du bassin (Saumur, Bourré, Poncé) et les grès de la vallée du Rhône (Uchaux) renferment des faunes mixtes, riches en Kamerunoceras puis en Romaniceras. Ces régions intermédiaires forment des jalons précieux entre les domaines boréal et téthysien.
et alii,La zonation élaborée durant les deux dernières décennies est un progrès par rapport aux anciennes divisions reconnues par 1903, 1907) et (1956). Sa finesse est souvent supérieure à celle obtenue dans les bassins intracratoniques du NW de l'Europe en raison d'un enregistrement sédimentaire continu et plus épais, et d'une richesse extraordinaire en ammonites dans presque tous les niveaux.
(De nombreuses affinités existent entre les zonations d'ammonite du NW de l'Europe (domaine boréal et domaine téthysien septentrional) et de Tunisie (domaine téthysien méridional). Plusieurs intervalles sont néanmoins sans corrélation directe. Ils coïncident en particulier avec les limites d'étages (événements eustatiques, baisses de hauteur du niveau marin). Mais à l'inverse, un fait remarquable est la présence épisodique en Tunisie d'ammonites à affinités nord-américaines, successivement: (i) à la limite Albien (Vraconnien) - Cénomanien : Graysonites (2007) ; (ii) dans le Cénomanien moyen : Paraconlinoceras barcusi, Acanthoceras amphibolum ; (iii) à la limite Cénomanien-Turonien : Pseudaspidoceras pseudonodosoides, Watinoceras sp., Pseudaspidoceras flexuosum ; (iv) au Turonien supérieur : Prionocyclus novimexicanus, P. germari. Ces phases de migrations successives sont probablement liées à des événements eustatiques (Intervalles Transgressifs de cycles eustatiques de 3e ordre). Cela montre l'existence de nombreux liens entre les domaines boréal et téthysien, non seulement entre le NW de l'Europe et la Tunisie mais aussi, de façon plus éphémère, entre le continent nord-américain et la Tunisie.
in et alii,Les coupes ont été levées dans des aires où régnait une sédimentation intermédiaire entre la plate-forme et le bassin. Dans la région de Kalaat Senan on se trouve en domaine de plate-forme externe, en position distale par rapport à la côte, avec des apports essentiellement argileux et marneux dans l'Albo-Cénomanien inférieur puis avec le développement de bancs carbonatés intercalés dans les marnes à partir du Cénomanien moyen jusqu'au Coniacien et plus haut. Les faciès marneux livrent des foraminifères planctoniques qui présentent des caractères téthysiens : les spécimens sont nombreux et de grande taille (0,3 à 0,7mm, parfois jusqu'à 1mm), les morphotypes non globuleux présentent des carènes bien individualisées et souvent épaisses, de nombreux intermédiaires existent entre les différentes espèces. En outre, des formes benthiques agglutinantes et calcitiques sont pratiquement toujours associées mais moins significatives au plan chronostratigraphique.
La zonation reconnue en Tunisie entre le Vraconnien et le Coniacien correspond sensiblement à la "zonation standard" établie et améliorée depuis le milieu du 20ème siècle ( 1966 ; , 1987 ; & , 1979 ; détails dans & , 1995, et dans et alii, 2007), avec la succession : Thalmanninella appenninica, T. globotruncanoides (= brotzeni), T. reicheli, Rotalipora cushmani, Whiteinella archaeocretacea, W. praehelvetica, Helvetoglobotruncana helvetica, Marginotruncana schneegansi, Dicarinella concavata.
,Remarques
- Comme le foraminifère Thalmanninella globotruncanoides a été choisi comme espèce-marqueur de la base du Cénomanien, il s'ensuit que les dernières ammonites du genre Stoliczkaia -dont l'index de zone Stoliczkaia (Shumarinaia) africana- ne sont plus cantonnés dans l'Albien (Vraconnien) comme il était généralement admis antérieurement mais "montent" maintenant dans le Cénomanien basal.
- Pour les deux autres limites d'étage, il n'y a pas avec les foraminifères planctoniques de bioévénements réellement marqueurs. Ils peuvent toutefois être utilisés en tant que "proxies" : par exemple, pour la limite Cénomanien-Turonien les premières Whiteinella praehelvetica (très rares) à face spirale des loges aplatie sont déjà notées dans la Zone à Pseudaspidoceras pseudonodosoides du Cénomanien terminal mais, pour la limite Turonien-Coniacien, il n'y a pas d'extinction ou d'apparition majeure de foraminifère planctonique.
En domaine boréal, dans le bassin de Paris-Londres, la mer de la craie n'est favorable au développement de foraminifères planctoniques carénés que du Cénomanien au Turonien moyen, c'est-à-dire dans des faciès où les apports marneux sont présents. L'installation de faciès purement crayeux à partir du Turonien supérieur ne leur est plus favorable (mer pas assez profonde ?) et on ne recueille plus que des formes globuleuses moins significatives. De l'Albien supérieur au Turonien inférieur, les zones sont identiques à celles du domaine téthysien quoiqu'avec des morphotypes plus faiblement carénés.
Remarque : il semble y avoir un léger diachronisme de la Zone à Thalmanninella reicheli (apparemment plus jeune en Tunisie, à moins que les ammonites soient en cause ?).
En revanche, les foraminifères benthiques sont souvent beaucoup plus nombreux et, à partir du Turonien moyen, c'est avec eux que l'on pourra effectuer une zonation biostratigraphique jusque dans le Santonien élevé (pour le Boulonnais par exemple, 2001) et le Campanien-Maastrichtien (dans le Kent).
& ,- La comparaison des zones d'ammonites dans les domaines boréal et téthysien montre de nombreuses affinités entre les deux domaines : près des deux-tiers des zones sont les mêmes de part et d'autre.
- En Tunisie, presqu'un tiers des zones correspond à des espèces à affinités nord-américaines, ce qui constitue d'excellents jalons pour les corrélations intercontinentales.
- Pour les foraminifères planctoniques le nombre de zones est trois fois moindre que celui des ammonites. Ce désavantage est compensé par le fait que les zones de foraminifères sont à caractère global et qu‘elles peuvent être reconnues en subsurface, à l'occasion de forages par exemple.
Remerciements à Bertrand
, de l'Association Géologique Auboise, pour la réalisation technique du tableau, aux deux relecteurs Philippe et Jean-Pierre dont les remarques ont permis d'améliorer le manuscrit, et évidemment à Nestor pour la version anglaise.F. (1992).- L'Albien du bassin anglo-parisien : Ammonites, zonation phylétique, séquences.- Bulletin des Centres de Recherches Exploration-Production elf-aquitaine, Pau, vol. 16, n° 1, p. 187-233.
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Tableau : Essai de mise en correspondance des zonations d'ammonites et de foraminifères entre le Nord-Ouest de l'Europe (domaine boréal) et la Tunisie centrale (domaine téthysien). Les flèches vers le haut ou vers le bas désignent respectivement les apparitions et disparitions des taxons visés.