4- Synthèses géochronologie-stratigraphie

4.1. Remise en question de l'échelle admise

La géochronologie et son application à l'échelle géologique était une science jeune en 1967. Le principe de la datation des roches par la mesure de la décroissance radioactive des isotopes naturellement instables a été exposé par Rutherford en 1906. Le développement d'une échelle numérique du calendrier géologique basé sur des mesures d'âge s'est fait entre les années 1940 et 1950. Lorsque nos études ont été entreprises, la référence était l'échelle de 1964 proposée dans un volume spécial de la Société Géologique de Londres (Symposium Geol. Soc; Lond. vol 120).

Cette synthèse a été remise en question en 1981 à partir de la prise en compte d' environ 250 nouveaux âges dont une bonne proportion établie ou remise à jour par nos soins avant 1982. (voir réf. 100)

Les résultats de 1982 sont présentés dans 3 figures relative aux temps du Primaire: (voir échelle); du Secondaire : (voir échelle) et du Paléogène : (voir échelle)


Progrès principal pour le Primaire : l' âge de la base du Cambrien est rajeuni (vers 530, voir réf.119-121) d'après des résultats obtenus dans 5 régions différentes (voir datation). Cet âge sera immédiatement renforcé comme annoncé dans le 1er Bulletin de liaison du PICG 196 (réf. n° 123a). Avec un Cambrien si court (autour de 30 Ma au lieu de près de 100 Ma supposé auparavant) ceci change la nature de l'évolution à la base du Primaire : elle se fait de façon extrêmement rapide par rapport à la suite du Phanérozoïque avec une apparition accélérée d'Embranchements variés.

Progrès pour le Secondaire : la durée des Étages doit être admise comme variable. Si l'on ne sait pas estimer une durée, on doit écrire qu'on ne sait pas et non pas supposer des durées égales "pour simplifier". Ainsi, les Étages du Crétacé sont inégaux : (voir échelle)
Pour les Étages du Trias et du Jurassique, il y avait peu d'âges mesurés et des suppositions (entre parenthèses) ont été faites en utilisant divers procédés d'extrapolation.

Progrès pour le Paléogène : un long débat (1975-1991) sur l'âge de la limite Éocène-Oligocène a suivi notre proposition de rajeunissement vers 34 Ma (au lieu de 37-38 Ma). Il sera finalement démontré que l'âge réel était de 33,7 ±0,5 Ma (Odin et al., 1991, réf. n°236).

4.2. Principes défendus lors des publications

Pour les nombres préférés, l'élaboration d'une échelle doit combiner 3 connaissances : 1- en priorité les âges établis par analyse radioisotopique, 2- ces âges doivent être "tempérés" d'une estimation complète de leurs incertitudes; 3- le repérage géochronologique insuffisant peut être complété d'extrapolations variées dont les âges déduits doivent être clairement distingués (incertitude inconnue) des âges mesurés.
L'utilisation des âges seuls conduit à une approche statistique de l'échelle. Elle combine mathématiquement des nombres dont la signification relative est ainsi ignorée. Tenir compte des incertitudes est une approche plus ardue car chaque résultat doit être jugé, pondéré, éventuellement confirmé, cette approche géochronologique a eu nos faveurs. L'utilisation du 3ème point conduit à l' approche graphique qui a donné lieu à des excès de confiance. La combinaison des 3 approches est recommandable (discussion par ex. réf. n° 233d , voir tableau).

Concernant les extrapolations, nous avons déconseillé de dissimuler notre ignorance derrière l' hypothèse d' étages de durée similaire (hypothèse retenue par ailleurs entre 1964 et 1990). Un exemple de possibilité d'extrapolation (hypothèse "durée moyenne de biozones semblables") a été présenté en 1988 pour la durée des Étages du Jurassique (voir figure). Le principe avait été discuté en 1978 (réf. n° 68) et montrait que les durées moyennes des biozones de même nature ne variaient pas considérablement si l'on considérait des groupes évoluant rapidement (voir tableau).

D'autres exemples d'extrapolation sont rappelés dans la mise au point de grande diffusion de 1990 (voir réf. 226) . Notre contribution a été, en partie, de poser la question de la confiance qui pouvait être accordée à ces procédés essentiellement parce qu'ils ne permettent pas d'établir les marges d'incertitudes sur les résultats obtenus. Cette impossibilité d'établir des marges d'incertitudes a conduit à les ignorer, faute qui a été dénoncée avec constance (voir en particulier la critique de certaines extrapolations d'après les durée relative des anomalies océaniques (réf. n° 158) ou d'après l'évolution biograduelle (réf. n° 333).

L'échelle géologique proposée en 1990 est donnée ici : voir échelle

4.3. Résultats complémentaires

Parmi les points de l'histoire géologique qui ont fait l'objet d'attention particulière figure l'âge de la limite Éocène-Oligocène pour laquelle les séries italiennes nous ont fourni des indications incontournables (voir ref. 210, 240) (voir datation)
C'est à la limite Éocène-Oligocène que se situe la "Grande Coupure" des auteurs (Mammifères, Mollusques, Foraminifères). La question était que si l'on admettait un âge de 37 Ma pour cette coupure, elle se localisait, en Amérique, bien au dessus de basaltes datés de cet âge et paraissait ainsi, plus jeune qu'en Europe. Si un âge correct (34 Ma d'après nous) était admis, alors le décalage n'existait plus ce qui résolvait le problème.

A partir de 1992, un intérêt particulier a été développé pour l'échelle du Miocène. Ceci a conduit à la rédaction d'un ouvrage rassemblant le plus grand nombre de datations directes jamais obtenu pour cet intervalle de temps (voir réf. 300). Les âges proposés pour les limites sont uniquement basées sur des datations directes permettant l'expression d'incertitudes réalistes (voir échelle du Miocène)

Ces résultats ont été pris en compte pour la publication n° 266 qui fut la première contribution invitée de la nouvelle formule des Comptes rendus de l'Académie des Sciences en géologie; l'échelle originale a été traduite en français (voir)

4.4. Remarques

La connaissance de l'échelle numérique du Phanérozoïque reste insuffisante pour quelques intervalles dont le Jurassique et les temps primaires. Il est cependant devenu difficile d'apporter des améliorations dans un contexte où une trop abondante littérature propose des nombres dont le fondement est incertain et qui, sans soucis des réalités physiques, négligent les questions d'incertitudes.

Sur cette question, rappelons que les constantes de désintégration du potassium ne sont connues qu'avec une incertitude de l'ordre ±1 % à ce jour (2006). Aussi, prétendre à des âges mesurés par la méthode K-Ar (quelle que soit l'élaboration de la technique analytique) décorés d'incertitudes de l'ordre du ‰ c'est sortir du domaine de la rigueur.