Titres et Travaux de Gilles Serge Odin

Présentation du thème Stratigraphie

mots clé: Campanien-Maastrichtien, Crétacé, définition, Éocène-Oligocène, Jurassique, Miocène, Paléogène, Quaternaire, stratotypes de limite, terminologie, unités stratigraphiques

Lors des études géochronologiques destinées à numériser l'échelle des temps, la définition du contexte stratigraphique est une préoccupation majeure et la question a été examinée voire révisée dans beaucoup de cas.

L'ensemble de la colonne a été considéré (voir niveaux datés) ; les études se sont d'abord concentrées dans l'intervalle Jurassique - Miocène ; puis le Miocène a été spécialement considéré (réf. 300) ; enfin, en 2005-2006, la question du Quaternaire a été abordée (voir réf. 486) .

Quelques travaux ont concerné les stratotypes historiques du Crétacé (Albien réf. n° 78, Cénomanien, réf. n° 143, Campanien, réf. n° 444). Des informations sont présentées sur : 1- l'établissement pratique des stratotypes de limite, 2- la mise au point de la terminologie et les fondements conventionnels de la subdivision de l'histoire de la terre.


1- Établissement des stratotypes de limite

2- Terminologie et Fondements conventionnels des subdivisions

 

 

 

 

 

 

 

Stratigraphie 1 : Établissement des stratotypes de limite

Les contributions à l'établissement de stratotypes de limite ont mis en jeu une stratigraphie intégrée combinant divers outils stratigraphiques comme toute stratigraphie dite intégrée mais l'originalité a été l'emploi conjoint soit des 2 seuls outils univoques que sont la biostratigraphie et la géochronologie (limite Eocène-Oligocène, limites des Étages du Miocène par exemple) soit d'outils physico-chimiques divers et de multiples groupes paléontologiques (limite Campanien-Maastrichtien).

1. Contributions générales (depuis 1984)

L'activité s'est développée dans le cadre de l'Union Internationale des Sciences Géologiques (UISG) : participation aux travaux du Programme International de Corrélation Géologique (direction de 2 projets), de Groupes de travail et de sous commissions de la Commission de stratigraphie (voir document) . C'est ainsi que toutes les propositions de stratotypes de limites faites entre 1989 et 2000 ont été examinées et discutées (disputées) activement (voir par exemple réf. 253). Notre critique la plus communément formulée a été la tendance à identifier une limite avec un événement (généralement une apparition ou disparition de fossile). Bien qu'admis par tous, le principe moderne de définir une limite par un point dans une section (le Point Stratotypique Mondial : PSM) est ainsi détourné au bénéfice d'un unique marqueur dont les défauts sont multiples : un seul groupe d'experts peut l'identifier ; la corrélation est délicate là où il est absent ; sa localisation dans le temps peut dépendre de l'environnement, de la nature de l'échantillonnage, de sa préservation ; son identification n'est pas souvent aisée ; l'événement peut être sensiblement diachrone. Malgré cela, la littérature ne manque pas de déclarations du type : "l'Étage A est défini par le niveau d'apparition (ou même par l'apparition) de l'ammonite (ou du foraminifère, ou du coccolithe, ou du conodonte) X" .
Plus correct, est de noter que "la limite coïncide dans le stratotype avec l'apparition de X telle qu'identifié par Mr Z dans telle publication". La véritable définition est : la limite est définie par le PSM dans la section S. L'exemple de la limite Campanien-Maastrichtien est donné (voir clichés).

Ainsi, notre contribution personnelle pour les fondements modernes des unités stratigraphiques a été de militer pour des définitions de limites au niveau d’un horizon dans une section particulière et non au niveau de l’événement qui a permis de le choisir. Les deux coïncident dans la section type mais nous soutenons que c’est le seul endroit au monde où cette coïncidence est parfaite et seulement au moment où la décision est prise et seulement aux yeux des experts qui ont étudié la section. La définition du point type doit se stabiliser là au delà de toute évolution momentanée dans la connaissance.

2. Application à la limite Éocène-Oligocène (1986-1989)

C'est dans le cadre de l'animation de notre Projet 196 du PICG (projet UNESCO-IUGS : Échelle numérique du Phanérozoïque) qu'ont été rassemblées les données géologiques ayant servi à établir le Point Stratotypique Mondial pour la limite Éocène-Oligocène (voir ref174BLI.6). La section de Massignano (Italie) a été proposée (Odin & Montanari, 1989, réf. 218 et voir graphique ) puis acceptée et votée par la sous commission compétente (cf réf. 208). Ce PSM allie des informations biostratigraphiques, géochronologiques, chimio- et magnétostratigraphiques; c'est un bon exemple de stratigraphie intégrée caractérisant la limite É/O localisée à la cote 19,0 m de cette section de Massignano et qui pourra être corrélée sur une large surface du globe grâce à l’un ou l’autre des outils de corrélation étudiés dans la section de référence.

Pour cette limite Éocène-Oligocène, la mise en oeuvre de nos positions de principe a conduit à diversifier les études stratigraphiques en alliant, notamment, les deux outils “univoques” de la stratigraphie : biostratigraphie et géochronologie pour la première fois dans l’histoire des définitions des unités stratigraphiques modernes. Nos résultats ont convaincu les officiants du groupe de travail formel sur cette limite qui n’ont pas hésité à recopier (avec quelques imprécisions toutefois et sans permission) nos résultats scientifiques, sous leurs seules signatures, pour établir et faire voter la définition (Premoli-Silva I. & Jenkins D. G., 1993. Episodes,16, 3).

3. Application aux limites des Étages du Miocène

Dans le cadre de notre animation de la sous commission de géochronologie, un groupe de travail s'est consacré à la stratigraphie intégrée de l'ensemble du Miocène. Des recherches ont été réalisées dans le monde entier (1991-1992). Un Congrès international a été organisé pour rendre compte de l'état des résultats (Portonovo, Italie, 1992, réf. 250). Cette réunion a permis de focaliser l'effort sur les meilleures sections (1992-1994). Les résultats ont été rassemblés dans 2 ouvrages en 1994 (réf. 285) et 1997. Dans cette dernière synthèse des candidats pour servir de Points stratotypiques mondiaux sont présentés par Odin, Montanari et Coccioni (réf. 308). Une combinaison systématique des outils biostratigraphique et géochronologique a été complétée de résultats magnétostratigraphiques. Cette étude coopérative (80 collaborateurs) rassemble la plus grande quantité de datations radiométriques nouvelles disponibles pour le Miocène, lesquelles datations sont directement liées à une information biostratigraphique contemporaine.
Une autre préoccupation a été de localiser les limites par rapport aux caractères précisément observés dans les stratotypes historiques (les formations qui donnent leurs noms aux Étages) ré-étudiés à cette occasion. En particulier, l'attention a été attirée sur le fait que ces limites ne coïncidaient pas toujours précisément avec des événements biostratigraphiques significatifs. Cette position est en désaccord avec la pratique commune qui consiste à assimiler une limite et un événement biostratigraphique proche. Au contraire, notre position est de déconnecter aussi souvent que possible une limite stratigraphique d'un événement particulier dont l'instantanéité n'est pas assurée sur tout le globe.
Enfin, il a été montré que l'Étage classique nommé Langhien n'était pas une unité valide au niveau mondial (faible durée équivalente à une biozone plus qu'à un Étage). Un regroupement "Langho-Serravallien" (soit l'ensemble du Miocène moyen) serait bien plus pratique hors du domaine méditerranéen (les termes Mimiocénien ou Ancônien ont été envisagés pour le désigner).

- travail principal : réf. 300: Montanari A., Odin G.S. & R. Coccioni, (rédacteurs) (1997). Miocene Stratigraphy; An integrated approach. Developments in Stratigraphy Series, Elsevier , 15: 694 +XVII pp. (voir couverture)

Ce travail a mis en oeuvre les concepts que nous privilégions bien au delà de ce qui s’était fait jusqu’alors : une diversification les études stratigraphiques qui ne fut possible que parce que les dépôts avaient d’abord été sélectionnés pour leur potentiel géochronologique et non uniquement biostratigraphique. En outre, l’étude géochronologique a utilisé les techniques analytiques les plus élaborées, certaines étant spécialement mises au point ; ceci ne fut pas réalisé d’abord pour obtenir des résultats plus précis mais pour QUALIFIER (illustrer leur caractère digne de confiance) les géochronomètres AVANT ET PENDANT les analyses.

4. Application à la limite Campanien-Maastrichtien (1992-2001)

Cette étude, entièrement dirigée par nos soins depuis les levers de section, la récolte et la distribution des échantillons et fossiles jusqu'à la rédaction du travail principal et la soumission de la section à l'approbation des structures concernées en tant que point stratotypique mondial. 70 experts ont contribué à l'acquisition de données. 20 groupes fossiles ont été considérés dont 6 ont contribué à une caractérisation longue distance (voir tableau). Un 21 ème ensemble constitué de microproblematica (restes énigmatiques) a fait l'objet des recherches les plus récentes sur le site géologique (voir partie paléontologie). Des données chimio- et magnétostratigraphiques complètent la caractérisation du site géologique et des considérations géochronologiques sont proposées. Finalement, une comparaison avec les stratotypes historiques ainsi qu’avec 3 autres sections de qualité (Espagne, Allemagne, Italie) a permis de soutenir une dernier choix personnel : celui de NE PAS MODIFIER la position de la limite historiquement acceptée lors de sa redéfinition en termes modernes.

L'étude a conduit à développer une approche originale pour localiser un Point Stratotypique Mondial en suivant 2 étapes. Un événement guide est d'abord choisi pour localiser approximativement le niveau parmi les niveaux possibles. Ensuite, on repère tous les événements significatifs proches (12 apparitions ou disparitions évolutives dans le cas présent) et le niveau conventionnel est désigné par la moyenne arithmétique des 12 niveaux (voir graphique). Ce choix déconnecte le niveau d'un marqueur particulier et permet de se prémunir contre la tendance à mythifier un événement unique quand sa localisation dans le temps ne peut être garantie instantanée et précise sur toute la surface du globe. En outre, la combinaison de plusieurs événements invite à considérer plus souvent une incertitude dans les corrélations en comparant la position relative des divers événements-clés dans les diverses sections.
L'information biostratigraphique comprenant les 6 groupes clés est résumée ici (voir graphique)

- travail principal : référence 400 : Odin G. S., rédacteur, 2001. The Campanian - Maastrichtian stage boundary: characterisation at Tercis les Bains (France): correlation with Europe and other continents. IUGS Special Publication (monograph) Series, 36; Developments in Palaeontology and Stratigraphy Series, 19, Elsevier Sciences Publ. Amsterdam, xxviii + 881 pp (voir couverture)

Pour mettre en oeuvre nos positions de principe sur la définition des unités stratigraphiques à Tercis où seul l’outil biostratigraphique était favorable, il a été nécessaire d’inventer une approche nouvelle. Lorsqu’il a été admis par la communauté scientifique que le niveau de la limite devait être connecté à l’apparition d’une ammonite (réf. 313), nous avons envisagé la proximité de ce NIVEAU GUIDE pour TOUS les événements traduits par les fossiles. Douze signaux ont été rassemblés. Le “niveau moyen” restait ou devenait 1- choisi en fonction du critère admis (le niveau moyen calculé est quasi identique au niveau guide repéré au moment de la définition), 2- fixé très précisément, 3- dépendant d’un nombre élevé de critères permettant des possibilités élevées de corrélation hors de la section type, 4- potentiellement plus stable à long terme en cas de modification importante des concepts d’espèce, voire de découverte de nouveaux spécimens des fossiles clé. En effet, la limite pouvait demeurer à la même place, établie qu’elle demeurait par une variété d’autres événements. Cette approche nouvelle a fait grincer quelques dents (celle des tenants du fossile magique subissant un événement mythique) mais a finalement été votée (réf. 455).
Le site n’étant plus exploité en carrière, les macrofossiles ont quasi disparu mais pour les microfossiles, les études se sont poursuivies sur le site géologique stratotypique durant les 10 années ayant suivi le vote de la définition (cf. partie Paléontologie-Micropaléontologie).

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Stratigraphie 2 : Terminologie et Fondements conventionnels de la subdivision de l'histoire de la terre


1- Terminologie

La contribution principale a été d'initier et coordonner pendant 3 années (1992 -1994) la réalisation du premier guide détaillé de terminologie en langue française pour la stratigraphie. Un ouvrage est paru en 1997 (Rey, coordonnateur, Stratigraphie, Terminologie française, 164 p.).

Parmi les initiatives prises dans ce domaine terminologique, c'est en 1990 que le terme de Tithonien a été proposé comme Étage de référence en langue française pour la fin du Jurassique (Odin & Odin, réf.n°227, note n°12). Une préférence pour le terme Indusien (anglais Indusian, réf. n° 266) a été soumise à la Commission de Stratigraphie pour l'Étage "Induan" (mot dérivé du bassin Indus) du début du Trias qui ne paraît pas cohérent avec les autres noms d'Étage. Le terme de Paléocambrien a été proposé, de même, pour le 1er Étage du Cambrien (réf n° 266, 336); le terme de Terranovien (dérivé de Terra nova cf. réf. n° 290) serait une possibilité intéressante pour un Étage encore non nommé à ce jour car sa base est définie à Terre-Neuve et cet Étage introduit une histoire nouvelle de la Terre.

La synthèse de 1990 rappelle les termes utilisés (notamment chez les anglo-saxons) pour désigner les unités de la stratigraphie avec la distinction fondamentale entre unités de temps (Ères, Période, Époque, Âge) et unités de roches déposées durant ce temps (Érathème, Système, Série, Étage).

Une mise au point sur la terminologie propre à la géochronologie a été proposée (réf. n° 290).

2. Principes d'élaboration des stratotypes de limite (PSM)

La stratigraphie moderne est fondée sur la définition de limites d'Étage : les Point Stratotypiques Mondiaux (PSM), lesquels se substituent, pour les anglo-saxons, aux définitions par des stratotypes historiques. Cette question a été exposée pour les géologues (réf. n° 227) et pour un "grand public" (réf. n° 464).

Devant la variété des interprétations sur ce qu'étaient les qualités d'une section susceptible de servir de référence stratotypique de limite, des recommandations ont été formalisées. Elles ont permis de juger plus rigoureusement les propositions (recommandations publiées en anglais réf. n°253 ; adaptées en français (voir document)

A notre sens, la définition de nombreux PSM est trop inféodée à la qualité d'un unique événement. C'est pourquoi, nous militons, lorsqu'elle est possible, pour une approche multi-critère pour localiser un PSM; ce point de vue a été exposé en anglais (réf. n° 451) et en français (réf. n° 462) (voir Stratigraphie1).
Ces discussions rappellent que ces PSM ne suffisent pas pour définir un Étage qui, pour être complètement caractérisé doit comprendre deux limites et un contenu lequel peut être généralement perçu à travers le stratotype historique, formation qui a donné son nom à l'Étage.

3. Principe de subdivision de l'histoire et simplification terminologique

L'application du principe des PSM pour définir des unités stratigraphiques présente des difficultés dans les domaines où la biostratigraphie n'est pas l'outil cardinal de datation. Pour répondre à ces difficultés, nous militons pour la distinction entre 3 stratigraphies régies par des conventions de différente nature (voir tableau).

Par ailleurs, l'expérience a montré que la distinction entre des termes désignant les unités de temps et d'autres termes désignant les ensembles déposés durant ce temps est complexe et n'est pas nécessaire : une seule série de termes devrait suffire.

Nos propositions d'amélioration des principes de subdivision de l'Histoire de la Terre et la simplification de la terminologie ont été discutées au congrès de stratigraphie de Florence (réf. n° 470). Elles sont publiées en français (Odin et al. 2005, réf. n° 476) et en anglais (Odin et al., 2004 réf. n° 471); une version grand public a été proposée (réf. n° 481)

La réf. n° 471 (Odin G.S., Gardin S., Robaszynski F., Thierry J. (2004).- Stage boundaries, global stratigraphy, and the time scale: towards a simplification.- Carnets de Géologie / Notebooks on Geology, Brest, Article 2004/02; 12 p.) peut être consultée à l'adresse :
http://paleopolis.rediris.es/cg/04/A02/index.html

Application au Quaternaire
Les deux organisations de quaternaristes français (Association Française pour l'Étude du Quaternaire (AFEQ) et Comité National Français de l'INQUA m'ont invité à contribuer au débat et à l'organisation d'un colloque international dont le thème était : Le Quaternaire, Limites et Spécificités (Paris 1-3 Février, 2006). Cela a été l'occasion d'appliquer les propositions précédentes aux temps quaternaires (cf. contributions orales : réf. n° 473, 480). Notre position sur la nature du Quaternaire peut être consultée (voir ref. 486).

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