Carnets de Géologie / Notebooks on Geology, Brest, Memoir 2007/01, Abstract 04 (CG2007_M01/04)
T., J. & P. (2007).- Quelques implications paléoclimatiques de l'observation de bois fossiles du Wealdien du bassin de Mons (Belgique) - Résultats préliminaires. In: P. & E. (eds.), Recent Advances in Palynology.-Paléoclimatologie ; Crétacé ; Wealdien ; bois ; fossiles ; cernes.
Tree growth, including radial growth, is controlled by a complicated combination of climate-related factors. In seasonal climates many species of trees form clearly defined annual growth rings. Quantitative and qualitative analyses of growth rings are high resolution proxies of ancient environments, thus facilitating studies of past climates. We have applied this method to growth rings of early Cretaceous softwood branches from the Wealden facies of the Mons Basin, Belgium. Preliminary results confirm that during the early Cretaceous, the Mons Basin was located at 30-35°N, presumably in a tropical climate, with a succession of marked dry and wet seasons (
's climate type Aw). The Mean Sensitivity coefficient (the difference in a sequence of rings of the widths of consecutive ring pairs /average ring width) is high (above 0.4), and indicates unstable palaeoenvironmental conditions.Palaeoclimatology; Cretaceous; Wealden; wood; fossils; growth-rings.
La relation qui existe entre certains caractères du bois, et plus particulièrement les cernes de croissance, et le climat est connue depuis de nombreuses années (1936). Les caractères des cernes de croissance peuvent donc être utilisés pour obtenir des informations climatiques ( , 1936 ; , 1976). Le caractère le plus simple à observer est l'épaisseur de chaque cerne de croissance. Cette mesure permet de calculer la sensibilité moyenne (SM) du spécimen étudié, c'est-à-dire la variabilité interannuelle de la largeur des cernes ( , 1976). La SM nous donne des informations sur la variabilité de la croissance (essentiellement liée aux conditions climatiques) et se calcule selon la formule de la Figure 1 .
,Par ailleurs, 1984) ont défini 6 catégories de cernes de croissance en fonction du type de transition entre bois précoce (dans un cerne, bois produit en début de période de végétation) et tardif (dans un cerne, bois produit en fin de période de végétation) et des proportions relatives de ces deux types de bois. Leur classification (Fig. 2 ) est basée sur la présence (Types A-E) ou l'absence (Type O) de cernes, sur le rapport d'épaisseur entre le bois précoce et le bois tardif et sur le mode de transition entre bois précoce et tardif (graduel ou abrupt). La distinction entre 6 types de cernes (comme préconisée par et , 1984) est difficile et non essentielle pour tirer de leur observation des informations climatologiques. Le regroupement en supertypes semble plus judicieux. Ainsi, les types A-E peuvent être regroupés en 2 supertypes (sur base de la proportion bois précoce-bois tardif) en conservant le type O ( et alii, 2001) :
et ("Supertype ABC" : cerne dont la proportion bois tardif/ bois précoce est élevée
"Supertype DE" : cerne dont la proportion bois tardif/ bois précoce est faible
"Type O" : Pas de cernes
2001) ont étudié 643 spécimens de bois fossiles mésozoïques et ont montré qu'il faut tenir compte de l'affinité taxonomique des spécimens sur lesquels on réalise des études de cernes à des fins (paléo-) climatologiques. En effet, certains taxons (par exemple Agathoxylon ( )) présentent toujours le même type de cerne quelque soit le climat sous lequel ils ont poussés. Donc si la xyloflore est monogénique à Agathoxylon, on aura aucun signal climatique quel que soit le nombre de spécimens observés. Si l'on veut s'affranchir de cette précaution, il faudra alors observer le type de cerne d'un grand nombre de spécimens appartenant à des genres différents d'une même localité pour en tirer des informations d'ordre climatique.
et alii (Cet article a pour objectif de donner quelques informations d'ordre paléoclimatologique tirées de l'observation de branches (ou axes de diamètre réduit) fossiles carbonisées du Crétacé inférieur de Belgique.
Les bois fossiles carbonisés proviennent des sédiments argilo-sableux "à faciès wealdien" de la carrière Danube-Bouchon à Hautrage (Bassin de Mons, Belgique ; 2001 ; , sous presse). Ces sédiments sont exclusivement continentaux. Aucun microfossile marin n'est présent dans ces sédiments ( , 1946). Une étude palynologique de cette localité indique un âge barrémien moyen à aptien basal ( et alii, 2005, 2006 ; et alii, sous presse).
et alii,Quarante-deux spécimens de bois fossiles carbonisés ont été étudiés. La largeur moyenne des cernes est de 1,91 mm. Une majorité de spécimens présentent des faux cernes, dans un rapport moyen d'un faux cerne pour vingt vrais cernes. Deux spécimens (soit 4,76% des spécimens étudiés) ont des cernes de type ABC, trente-quatre spécimens (soit 80,95%) ont des cernes de type DE et 6 spécimens (soit 14,28%) ont des cernes de type O. Nous avons comparé (Fig. 3 ) la répartition des spécimens d'Hautrage parmi les 3 supertypes avec la répartition des différents supertypes en fonction de la paléolatitude au Crétacé inférieur proposée par et alii (2001). La proportion des trois supertypes de notre échantillonnage est intermédiaire entre la répartition caractéristique de latitude 25-35°N et de la répartition caractéristique de 35-45°N. La paléolatitude du bassin de Mons au Crétacé inférieur serait donc d'environ 35°N.
Par ailleurs, la présence de cernes de croissance chez plus de 85% des spécimens indiquerait plutôt un climat saisonnier. Dans 80,95% des cas, ces cernes sont de type DE caractérisés par un rapport bois tardif/ bois précoce très faible (plusieurs dizaines de rangées de cellules de bois précoce et 3 à 4 rangées de cellules de bois tardif). Ce type de cerne est généralement caractéristique d'arbre soumis à un climat à 2 saisons bien marquées (1984). Les seuls climats actuels qui comportent 2 saisons marquées sont les climats de type boréal et de type tropical. La paléolatitude du bassin de Mons au Crétacé était de 35° N ( , 2000). Ceci permet d'écarter le climat de type boréal. Le climat qui régnait à Hautrage au Crétacé inférieur était donc vraisemblablement un climat de type tropical avec des saisons bien marquées : une saison des pluies et une saison plus sèche.
et ,1936) définit 3 sous-catégories de climats tropicaux : climat humide dépourvu de saisons (Af), climat de type "Savane" avec une saison sèche en hiver (Aw) et climat de mousson (Am). Le premier type de climat (Af) peut être écarté puisqu'il ne présente pas de saison et que 85,71% des bois d'Hautrage présentent des cernes de croissance. Les deux autres types de climat (type savane – Aw et type mousson - Am) présentent des saisons et peuvent être envisagés.
(Aucune des conditions nécessaires à l'existence d'un climat de type mousson n'étaient réunies en Europe occidentale au Crétacé inférieur. En effet, la paléolatitude du Bassin de Mons au Crétacé inférieur est d'environ 35°N et non comprise entre 15 et 30°N. L'Europe à cette époque était un archipel et donc les masses continentale n'étaient pas suffisantes pour créer le gradient thermique indispensable à la formation des vents de moussons. Enfin, les reliefs ne dépassaient probablement pas 1000 m (Fig. 4 ). La thèse d'un climat de mousson semble être à écarter.
Reste le climat de type savane (au sens régime pluviométrique/ température). Cette hypothèse a, par ailleurs, déjà été émise par Bommer (in 1978) qui évoque "une sorte de savane sur les grands plateaux houillers". Une végétation de type savane est propice aux incendies : la présence d'un biome de type savane permettrait d'expliquer la grande quantité de restes végétaux carbonisés présents dans les sédiments wealdiens du Bassin de Mons.
,Globalement, la sensibilité moyenne de nos spécimens est relativement élevée : 0,42. La valeur minimale de SM est de 0,32 et la valeur maximale calculée est de 0,55 (écart type : 0,09). Des arbres pour lesquels les valeurs de SM sont supérieures à 0,3 sont dits "sensibles" ; ceci témoigne d'une variabilité interannuelle importante de la largeur des cernes et donc de conditions climatiques relativement instables.
Contrairement à une idée largement répandue, les climats tropicaux (du moins aujourd'hui) sont très diversifiés. Seuls 10% des zones intertropicales sont recouverts par des forêts pluviales soumises à un climat dépourvu de saisons. Les 90% restants sont soumis à un climat saisonnier. Sous ces climats saisonniers tropicaux, le début d'une saison est peu prévisible et peut varier de plusieurs mois d'une année à l'autre. De plus, la pluviosité durant la saison des pluies peut varier du simple au double d'une année à l'autre (1995). Il n'est donc pas étonnant que les arbres découverts à Hautrage aient, semble-t-il, grandi dans des conditions climatiques relativement instables.
,La présence de faux cernes chez les spécimens d'Hautrage renforce encore l'hypothèse d'un climat relativement instable. Sous ce type de climat soumis à une alternance marquée de saisons sèches et humide, la présence de faux cernes témoigne probablement de périodes relativement longues sans précipitations durant la saison des pluies. Enfin, la largeur moyenne des cernes tend à montrer que les arbres ont grandi dans de bonnes conditions. En effet, la valeur de largeur moyenne des cernes des spécimens d'Hautrage (1,91mm) est proche de la valeur moyenne de cernes de branches de Pinus Sylvestris modernes poussant en Ardenne dans des conditions favorables à environ 400m d'altitude (1,78mm, n=351, s=1,1 ; travail en cours à Liège).
Il est en théorie possible de tirer des informations d'ordre climatologique en comparant les associations végétales présentes à une période géologique donnée avec les associations végétales d'aujourd'hui. Ce concept repose sur l'hypothèse qu'un végétal fossile a probablement grandi, à l'époque, dans des conditions écologiques comparables à un végétal actuel taxonomiquement proche.
Les spécimens d'Hautrage ne sont pas tous déterminables, mais nous avons identifié les taxons ligneux suivants : Agathoxylon (2000) sur le site d'Alexander Island (Antarctique, Albien supérieur), qui comporte les taxons suivants : Araucarioxylon (genre invalide), Podocarpoxylon, Taxodioxylon. Ceci suggèrerait qu'au Crétacé inférieur, les climats de l'Antarctique et de l'Europe (alors à 35°N) étaient identiques. Ceci pourrait être expliqué par un effet de serre. En effet, durant une période à effet de serre, le climat de la planète est homogène et les zones à climat tropical s'étendent jusqu'aux régions boréales, au-delà de 60° N ou S ( , 1990). Cela semble avoir été le cas au milieu du Crétacé (sensu et , 1991), pendant lequel la concentration atmosphérique en CO2 aurait été 5 à 10 fois plus importante qu'aujourd'hui ( , 1964 ; et alii, 1983 ; et alii, 1985).
), Circoporoxylon (R. ) (taxonomiquement proche du Podocarpoxylon (W. )), Pinuxylon (W. ), Podocarpoxylon (W. ) et Taxodioxylon ( ). Cet assemblage est notamment proche de celui décrit par et (La paléolatitude déterminée sur base des assemblages de cernes est d'approximativement 35°N pour le Bassin de Mons au Crétacé inférieur. Ceci concorde avec les reconstitutions paléogéographiques communément admises (2000). Le Bassin de Mons au Crétacé inférieur semble avoir été soumis à un climat tropical de type savane. Ce climat présentait deux saisons bien marquées : une saison sèche et une saison des pluies. Les conditions dans lesquelles ont grandi les arbres étaient relativement bonnes quoique relativement variables d'année en année. L'instabilité climatique peut s'expliquer par le fait que les saisons des climats tropicaux peuvent être extrêmement variables d'une année à une autre tant du point de vue temporel (début et fin des saisons) que du point de vue des régimes pluviométriques. Ce type de climat à une latitude aussi élevée peut s'expliquer par l'effet de serre très marqué auquel la Terre était soumise à cette époque.
,Ce travail tend à montrer que l'observation des bois fossiles et plus particulièrement de leurs cernes de croissance permet de tirer des informations paléoclimatologiques même pour des temps aussi reculés que le Crétacé inférieur puisque les résultats obtenus concordent avec les reconstitutions paléogéographiques et paléoclimatologique de l'Europe occidentale au Crétacé inférieur de nombreux auteurs.
Les auteurs remercient vivement M.
, F. , M. , P. et enfin H. pour nous avoir aimablement cédé des bois modernes provenant des collections de la xylothèque du Musée Royal de l'Afrique Centrale. Les traductions anglaises du résumé et des légendes des figures sont dues à l'amabilité de N. . R. A., A.C. & R.M.
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Figure 1 : Formule de la sensibilité moyenne. SM est la sensibilité moyenne. X1 est la largeur d'un cerne donné et X+1 est la largeur du cerne qui le suit.
Figure 1: Calculation of mean sensitivity. SM is the mean sensitivity. X1 is the width of a given ring and X+1 is the width of the following ring.
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Figure 2 : Vues au microscope électronique à balayage des 6 types de cernes de croissance.
Types A, B et C : cerne dont la proportion bois tardif/bois précoce est élevée ; types D et E : cerne dont la proportion bois tardif/bois précoce est faible ; type O : pas de cernes.
Type A : Keteeleria fortunei
Les flèches montrent l'extérieur des axes.
Figure 2: Scanning electron microscope views of the six types of growth rings.
Types A, B and C: rings in which the proportion of late wood to early wood is high; types D and E: rings in which the proportion of late wood to early wood is low; type O: no rings.
Type A: Keteeleria fortunei
The arrows indicate the exterior of the axes.
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Figure 3 : Répartition des 3 supertypes de cernes de croissance en fonction de la paléolatitude au Crétacé inférieur (d'après 2001, modifié). Les proportions des différents supertypes de cernes observés sur les bois d'Hautrage indiquent une paléolatitude d'environ 35°N (cf. flêche).
et alii,Figure 3: Distribution of the 3 supertypes of growth rings in relation to their paleolatitude during the Early Cretaceous (after 2001, modified). The relative proportions of the several supertypes of rings in the woods from Haufrage indicate a paleolatitude of about 35°N (see arrow).
et alii,Cliquer sur la miniature pour agrandir l'image.
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Figure 4 : Carte paléogéographique du Crétacé inférieur de l'Europe occidentale il y a 120 millions d'années (d'après 2006, modifiée). Cette carte montre les principaux reliefs de l'époque. Ces reliefs ne dépassent pas 1000 m d'altitude. Notez également l'incursion marine de l'océan Téthys.
et alii,Figure 4: Paleogeographic map of the lower Cretaceous of western Europe, 120 million years ago (after 2006, revised). This map shows the principal reliefs at that time. These reliefs do not exceed 1000 m in elevation. Also note the extent of the marine incursion of the Tethys ocean.
et alii,