Quelques réflexions sur la Généalogie et sur son usage
Christian C. Emig
[Résumé]
Version
Introduction
Remonter aux origines est le graal de toute population et peuple, souvent au travers de la religion comme l’atteste la Bible dès le premier livre la Genèse. Ce qui est souvent ignoré, c’est que la généalogie est un outil facile et commode pour établir une filiation dans divers domaines qui peuvent ne pas nécessiter des critères bien définis, de l’application de méthodes scientifiques ou se satisfaire de données incomplètes ou de faible fiabilité.
Dans cette quête vers l’ancêtre quel qu’il soit objet, idée, savoir ou être vivant, on remonte dans l’arbre des « morts » dont, pour certains, on ignore parfois tout ou presque [1]. Alors cela me rappelle la grenouille qui monte l‘échelle vers le beau temps, comme le généalogiste dans l’arbre des Sosa, les siens ou d’autres [2]. Et une fois dans la canopée, comme la grenouille en haut de l’échelle, il redescend… vers la vie (et le mauvais temps), à la rencontre des parents et cousins, proches ou lointains, tous ceux qu’il a ignoré tant sa quête est égocentrée sur le sujet de ses recherches, souvent soi-même. Car, c’est seulement dans cette descente qu’on va apprendre qui est la famille du sujet et son histoire et tous ceux avec qui il partage et doit partager les ancêtres de la canopée généalogique et tous ses descendants. La littérature scientifique n’est pas avare en étude sur des généalogies diverses comme celle des risques, des savoirs anthropologiques, des familles nobles, des « familles » scientifiques, de la généalogie scientifique. Pour cette dernière, je ne donnerais que deux références (Paveau, 2010 ; Bonin & Antona, 2012) accessibles en ligne. Car, l’accès à la bibliographie scientifique est payant et rarement en français.
Ces quelques lignes en introduction permettent de brosser un rapide aperçu parfois ignorer au sein des sociétés savantes ayant pourtant pour but la généalogie. Pour finir, quelques remarques et propositions porteront sur les objectifs de ces associations et leur finalité scientifique.
Définition
Avant tout usage d’un mot, il faut d’abord le définir : généalogie est construit sur les mots grecs γενοσ (naissance) et λογος (parole) et emprunté au latin genealogia, du grec γενεaλογia, depuis 1694 dans la langue française. Sa définition est fournie par le « Trésor de la langue française informatisé » (ATILF, 2007) :
GÉNÉALOGIE, subst. fém.
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- A. Dénombrement, par filiation, des ancêtres d'un individu.
- Tableau, ouvrage représentant cette filiation.
- Science ayant pour objet le dénombrement des ancêtres d'un individu.
- Filiation des animaux de race. Synon. pedigree.
- BIOL. Suite des espèces qui se sont succédées par filiation pour parvenir à l'espèce actuelle.
- B. Au fig. (Histoire d'un) développement successif.
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Ainsi, la généalogie concerne tout ce dont on peut établir une filiation qui est définit comme le lien de parenté unissant un spécimen à ses ascendants ou descendants. La généalogie familiale n’apparaît que comme la partie émergée de l’iceberg généalogique.
Et pourtant, quand on évoque la généalogie, il est habituel de ne trouver que des définitions anthropocentrées, telles qu’elles sont véhiculées dans les dictionnaires populaires habituellement compulsées :
- Suite, dénombrement des ancêtres de quelqu’un (Larousse, 1969).
- Science qui a pour objet la recherche de l’origine et de la filiation des familles (Larousse, 1969).
- Dénombrement des ancêtres de quelqu'un, ou des autres parents (Académie française, 1935).
- Suite d'ancêtres qui établit une filiation (Robert 1996 ; Littré, 2014).
- La généalogie, l’une des plus anciennes sciences du monde, a pour finalité l’étude objective et exhaustive des ascendances et des descendances des individus, de leurs rapports de parenté, de leurs particularités physiques, intellectuelles et morales et de leurs biographies privées et publiques (Encyclopædia universalis, 2014).
La généalogie est-elle une science ?
Une science est définie comme : ensemble structuré de connaissances qui se rapportent à des faits obéissant à des lois objectives (ou considérés comme tels) et dont la mise au point exige systématisation et méthode (ATILF, 2007). Or, la généalogie ne répond pas à cette définition, comme d’ailleurs d’autres disciplines considérées souvent à tort comme des sciences - c’est le cas de l’Histoire.
La généalogie est utilisée dans divers domaines généralement scientifiques, dépassant les recherches généalogiques familiales ; elle se met en œuvre avec des logiciels pouvant nécessiter des données bien plus nombreuses que celles d’un acte paroissial ou d’état-civil. Pourtant, les caractères permettant de construire une généalogie ne font l’objet d’aucune définition et ne demandent pas d’être basés sur des preuves irréfutables et/ou scientifiques. Malgré ces lacunes, la généalogie se rapproche de méthodes scientifiques, comme celle cladistique (ou cladisme voir ci-dessous) : c’est une technique et un outil qui demandent rigueur, bien qu’elle soit parfois difficile à observer en l’absence de critères scientifiques nécessaires pour établir une filiation et des besoins en connaissances linguistiques et paléographiques. Nous en discuterons ci-dessous dans la partie sur la généalogie familiale.
Une généalogie comprend deux arbres distincts complémentaires :
- un arbre ascendant depuis un objet, un individu, un savoir etc. vers ses différents ancêtres, ce qui n’implique pas qu’il y ait une ascendance double comme pour une filiation humaine (Fig. 1 A, B). La lignée peut prendre la forme d’un éventail généalogique. C’est la filiation ascendante depuis le sujet choisi à la base de cet arbre, dont la numérotation se fait depuis la base vers les ancêtres selon la méthode appelée de Sosa-Stradonitz : mise au point par le franciscain et généalogiste de Sosa (1676) d’après la méthode d’Eyzinger (1590, 1591), elle fut reprise en 1898 par Kekulé von Stradonitz (1898-1904). C’est un arbre (souvent égocentré) depuis sa base qui ne permet pas de représenter les relations de parenté qui est définie ici comme le rapport entre spécimens établi par un lien d'alliance. Si la construction de cet arbre est indispensable, elle n’est que la phase première en généalogie, car elle ignore tous les collatéraux.
- un arbre descendant qui est un tableau montrant, sous la forme d'un arbre avec ses ramifications, les filiations d'une même famille à partir d'un ancêtre commun. La numérotation se fait selon d’Aboville (1940 : pas de référence trouvée). Selon le logiciel utilisé, la numérotation de Sosa peut être incluse dans la descendance. C’est l’arbre généalogique par excellence puisqu’il permet de déterminer les relations de parenté (définie ci-dessus) et de préciser les liens et lignées de cousinage à partir d’un ancêtre commun. C'est comme un skieur qui slalome à la rencontre de cousins et parents méconnus le long de nouvelles lignées, avec leur histoire, dans une région inconnue, peu connue, ou à redécouvrir en famille avec plaisir et émotion.
L’arbre descendant représente le véritable arbre généalogique, l’outil indispensable en toute généalogie ceci n’est pas toujours bien compris par ceux qui ne jurent que par leurs Sosa !
La généalogie est le chemin d’accès vers divers savoirs et un enrichissement culturel : il est un outil dans divers domaines scientifiques comme la biologie, la génétique, l’écologie, la botanique, la paléontologie, l’archéologie, l’histoire, la sociologie, l’ethnographie, etc. [3] Il faut y ajouter l’histoire des familles, la héraldique, la sigillographie parmi d’autres. Cependant, il ne faut ni confondre, ni amalgamer ces domaines avec la généalogie - lire par exemple Langenohl (2009). On ne s’improvise pas scientifique [4], car il faut connaissance, savoir-faire technique et linguistique et avoir son réseau au sein de la communauté scientifique. Il y a donc bien des facilités pour un biologiste à verser dans la généalogie, puis à utiliser cet outil dans ses propres recherches et publications (Note à la fin de Références) et à évaluer les travaux publiés par des généalogistes en tant que scientifiques amateurs [5] qui peuvent être des contributions à la connaissance scientifique à condition d’en respecter la déontologie.
La généalogie peut être associée à divers autres termes connexes, comme :
- Phylogenèse (ou phylogénie) = formation et développement des espèces vivantes au cours des temps. Selon Haeckel (1876), inventeur du mot, « l'ontogenèse récapitule la phylogenèse » c’est-à-dire que la formation de l'embryon récapitule l'histoire évolutive de l'espèce. Mais la reproduction est une des caractéristiques de la population (Arnaud & Emig, 1987).
Il y a une différence entre phylogenèse qui est unilinéaire (Fig. 1C) et généalogie dans laquelle l’ascendance d’un individu double à chaque génération (Fig. 1 A, B). Chaque individu appartient à une seule et même espèce en phylogenèse, tandis qu’en généalogie deux géniteurs peuvent ne pas appartenir à la même espèce [6]. Pour cela, il faut que les spécimens utilisés soient identifiés selon les caractères taxinomiques pour s’assurer de leur appartenance à une espèce donnée.
La représentation d’un arbre phylogénétique, nommé cladogramme, est basée sur la méthode cladistique, inventé par Hennig (1950), à partir des caractères phylogénétiques. Ces derniers sont aujourd’hui à la fois morpho-anatomiques et génétiques et permettent d’identifier les taxons, de l’espèce à l’embranchement (ou phylum) et d’établir leurs relations évolutives. C’est un outil pour la taxinomie qui est la science des lois et des principes de la classification. La méthode cladistique n’est pas restreinte aux êtres vivants, mais s’applique à tout ensemble pouvant être identifié par des caractères phylogénétiques. Il faut y ajouter un critère important souvent négligé en généalogie : l’histoire du taxon ou « individu » étudié est aussi un facteur très important en évolution tout comme dans le mode de vie des ascendants.
- Anthropogénie = science qui étudie l'origine et l'histoire de l'humanité. Trois ouvrages, en particulier, eurent un grand retentissement : la descendance de l'homme et la sélection sexuelle de Charles Darwin (1871), l'histoire de la création d'Ernst Haeckel (1868) suivie de l'Anthropogénie ou Histoire de l'évolution humaine du même auteur (1874). Reprenant les théories de Jean-Baptiste de Lamarck sur l'origine animale de l'homme (Laurent, 1989), Haeckel affirmait l'existence d'un intermédiaire morphologique entre les singes supérieurs et l'homme, qu'il désigna même sous le nom de « pithécanthrope ».
- Anthropogonie ou anthropologie = récit organisé, de nature mythique, relatant l'origine et l'histoire primitive de l'humanité. Il y a une grande diversité dans le récit de la naissance des hommes, car chaque culture a sa façon de la représenter.
Aujourd’hui, l'anthropologie est la branche des sciences qui étudie l'être humain sous tous ses aspects, à la fois physiques (anatomiques, morphologiques, physiologiques, évolutifs, etc.) et culturels (socio-religieux, psychologiques, géographiques, etc.). Elle intègre diverses sous-disciplines comme l'ethnologie, l'ethnographie, l’archéologie, la linguistique ; elle devrait tout particulièrement intéresser des généalogistes qui veulent développer et valoriser leurs données récoltées dans les actes. Les enseignements et recherches en anthropologie se font dans diverses universités et organismes de recherche publics.
Fig. 1. A.- Arbre généalogique ascendant en fonction des générations et des personnes. B.- Arbre généalogique ascendant (en éventail). C.- Arbre phylogénétique (cladogramme) : schéma dichotomique se répètant à chaque nœud ; l’arbre phylogénétique place l’ancêtre à la base à l’inverse d’un arbre généalogique descendant. Sur l’arbre C, les nœuds ancestraux a, b, c sont donnés à titre d’exemple, de même pour les taxons d et e.
Arbres généalogiques
Parce que qu’il est impossible de connaître la descendance généalogique à partir d’un ancêtre commun pouvant avoir vécu il y a des millions d’années (Fig. 1C : a > b > c), que les scientifiques identifient les caractères phylogénétiques des espèces actuelles (Fig. 1C : d, e) afin de pouvoir déterminer les ancêtres hypothétiques a, b, c et de connaître leur évolution. En prenant comme exemple notre espèce Homo sapiens Linné, 1758 dit « homme moderne » (Fig. 1C), d’après les données généalogiques actuelles, des parents (en c), classés comme « homme moderne » sans prendre en compte les caractères de l’espèce, pourraient avoir eu un enfant (en e) ayant un nouveau caractère phylogénétique qui l’identifie comme appartenant à une nouvelle espèce, alors que son frère (en d) pourrait être de la même de l’espèce que ses parents ; en outre, tout individu, et toute population à laquelle ce dernier appartient, ont chacun des histoires qui les distinguent. Voici des données qui ne sont pas relevées par les généalogistes, car absentes des registres. En faisant un peu de généalogie-fiction, un Homo neanderthalensis [7] King, 1864 venu du Nord de l’Europe au cours d’une période froide et une Homo sapiens venue des régions africaines lors d’un épisode de réchauffement se marient et font un enfant : rien ni sur l’acte de mariage, ni celui de naissance de leur enfant ne fournira une information précise ; il faudra une analyse d’ADN qui confirmera le père de l’enfant, et aujourd’hui la mère aussi. Cette fiction n’est en rien invraisemblable dans une future ou peut-être déjà actuelle émergence d’une nouvelle espèce humaine.
Ainsi se confirme tout l’intérêt pour les généalogistes de travailler sur des arbres descendants, ce qui permet d’étudier l’histoire des personnes et des familles, l’arbre ascendant n’étant que la première étape nécessaire pour pouvoir faire un arbre descendant depuis les différents ancêtres pour bien comprendre les liens de parenté et de cousinage jusqu’à nos jours et déchiffrer au mieux leur histoire et évolution.
L’arbre ascendant (Fig. 1A) montre d’abord que la lignée patronymique paternelle et celle maternelle y sont uniques, une seule pour chacun des parents, alors que le nombre de Sosa va croissant avec les générations et cela conduira à autant d’arbres descendants : en 10 générations il y en a 512, en 20 : 524 288 et en 30 : 536 870 912 ! Ceci montre que toutes les personnes dans notre ascendance ont une importance similaire et qu’aucun nom de famille ne peut avoir une prédominance au sein de notre parenté directe, y compris celui qui nous identifie. Ces chiffres donnent aussi une idée de l’importance qu’une base de données généalogique peut atteindre : nous sommes loin de ceux qui pensent qu’une base de 1 000, 2 000, 3 000 personnes est « énorme », et quand on passe à un arbre descendant, je laisse faire le calcul ! Et plus une base personnelle est importante et plus on partage « ses » ancêtres avec des centaines, milliers d’autres : cela évite parfois de poser des questions pleine d’innocence courroucée, comme « que fait mon grand-père dans votre arbre ? »
Généalogie familiale : quelques remarques
Nombre de généalogistes ont une vision égocentrée de la généalogie en général et de la leur en particulier, j’espère que les lignes ci-dessus vont leur apporter un aspect souvent ignoré de la recherche des ancêtres qui, s’ils sont les leurs, les obligent à partager avec d’autres d’autant plus largement que l’ancêtre est éloigné dans le temps et que le nombre de générations augmente (Fig. 1A, B).
Les caractères de base indispensables pour identifier une personne sont ceux tels que figurant dans l’acte de naissance sans aucune modification : numéro (parfois la date et la page) et lieu [8] (si différent de celui de la naissance) de l’acte et du registre ; nom [9] et prénoms [10] de la personne, date complète et lieu exact de naissance, sexe, nom et prénoms du père, nom et prénoms de la mère, voire des grands-parents.
Il faut noter qu’aucun de ces caractères ne vient de l’enfant lui-même (de son choix) et lui sont totalement externes, mais tous sont nécessaires pour l’identifier et l’inscrire dans la filiation ; certains sont subjectifs, car liés aux dires des témoins présents ou non au moment de la naissance et de la déclaration à l’église ou en mairie. Seul une analyse de l’ADN peut scientifiquement identifier les parents comme tels. La reconnaissance de paternité ou de maternité n’implique pas paternité ou maternité réelle, mais administrative. L’absence du père ou de la mère (j’ai un exemple dans la généalogie familiale proche d’une enfant née au domicile du père de mère inconnue) obère toute la lignée qui, pourtant, existe. Ceci montre la perversité (voir définition dans ATILF, 2007) généalogique des déclarations sous X (lire aussi ci-dessous le comble pour un généalogiste).
En outre, pour un usage scientifique des données généalogiques selon l’étude envisagée, il manque généralement des informations, comme le métier, l’adresse précise, la religion, l’origine ethnique [11], les « maladies » transmissibles… Certes, elles ne sont indispensables dans une filiation, mais permettent de mieux comprendre la parenté et son histoire, car restreindre la généalogie à la seule identification de Sosa revient à ne faire qu’un arbre avec des noms et prénoms, cela rejoint les quelques généalogistes purs et durs qui ne partagent leurs données qu’avec des justes ! Cela renvoie à l’usage scientifique des données généalogiques ce qui impose un nécessaire et indispensable partage de la connaissance sans exclusive.
Les actes des registres tant paroissiaux que d’état-civil et leurs données sont propriétés des paroisses et des communes selon leurs règles spécifiques et de celles des archives départementales, dépositaires de copies, qui fixent leur utilisation et publication. C’est-à-dire que nul ne peut en revendiquer la propriété, contrairement à ce que pensent certains concernant leurs publications sur des sites Web [12] (voir Appendice) : la seule bonne référence est celle de l’acte original.
Reste la publication de données personnelles ou leur accès, qui, selon la loi française en vigueur (et qui ne s’applique qu’en France), ne concernent que les actes de naissance et de mariage des 75 dernières années par… les organismes publics, comme les Archives (nationales, départementales, communales), mais décès et tables décennales sont fournis sur simple demande sans justificatif. Pour les autres publications, le retrait de ces données obligent à faire un courrier officiel nominatif (pouvant inclure les enfants mineurs seulement du requérant) sur la période citée. Il faut noter que le Web est un excellent outil pour capturer des données personnelles et pas seulement sur des sites français. Les réseaux sociaux, les moteurs de recherche, les sites professionnels ou personnels, Wikipedia, les journaux, les annuaires, les avis de décès, parmi d’autres, sont une mine de renseignements personnels pour un généalogiste. Combien de fois ces inconditionnels de la confidentialité ont-ils fourni, sans en vérifier l’usage, ces données [13], y compris du conjoint et enfants ? En outre, combien sont-ils à avoir lu les lois françaises et européennes concernées ? Un petit clin d’œil : pour moi, le comble pour un généalogiste est d’apparaître sous X à la base de son arbre ! Je n’ose formuler ma désapprobation à ceux et souvent celles qui usent des arbres des autres sans avoir la courtoisie de mettre le leur en vue (voir Appendice).
Les registres et actes notariés ne donnent que quelques pistes sur l’histoire d’une personne et d’une famille, il faut donc l’en déduire ou plonger dans des recherches historiques. La mémoire familiale est un apport incontournable, mais il arrive aussi qu’on le réalise trop tard avec une phrase qui revient souvent chez les généalogistes : « je n'ai pas assez questionné. » L’histoire familiale a été parfois consignée dans des livres, la Bible de famille, des documents : plus une personne est célèbre et plus les écrits sont nombreux. Cependant, il faut se méfier des « petits mensonges », des non-dits et des secrets de famille ; souvent ils ne résistent pas à l’étude des registres.
Curieusement, le besoin de transmettre l’histoire de sa famille n’est pratiquement jamais évoqué par les généalogistes, comme si la généalogie était une fin en soi et pas un outil pour aller au-delà. Les phrases sur la généalogie sont nombreuses, mais je ne résiste pas à l’envie de citer la formulation simple envoyée par une correspondante : La généalogie représente la possibilité de mieux connaître ses racines pour mieux s'intégrer dans le monde de demain.
Conclusions
Les « spécimens » utilisés pour établir une généalogie sont toujours uniques : ils ont au moins un critère qui de les distingue des autres. Ils n’appartiennent jamais (exclusivement) à celui qui les utilisent pour sa généalogie, et donc échappent à toute propriété y compris d’eux-mêmes. Entrer en généalogie demande humilité, abnégation, profond partage dans l’altérité. La démarche généalogique ne peut se faire que vers l’autre, les autres, on devient un parmi des milliers d’autres et le terme famille prend sa vraie dimension : groupe constitué par des individus apparentés par des alliances, par le sang, descendant d'ancêtres communs (ATILF, 2007).
Faire de la généalogie ne signifie en aucun cas qu’elle doit être restreinte à celle de SA propre « famille constituée par un couple de parents et leurs enfants », ce qui est pourtant dans l’esprit de certains avec la notion de chasse gardée. Nombre de généalogistes font pour leur plaisir des généalogies thématiques avec publication sur des sites WEB (par ex. Geneastar, Les servin@utes, Lisa 90, Roglo). Malheureusement, nombre de généalogistes et d’associations méconnaissent le but même de la généalogie qui est l’accroissement de la connaissance de l’Homme et pas seulement de la sienne propre mais par celle-ci.
Les sociétés savantes [14], dont font ou devraient partie les associations de généalogie, sont regroupées souvent à l'insu de leurs membres au sein du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques (CTHS [15]) avec organisation d’un congrès annuel : leur rôle est de contribuer au rayonnement de la science et à la diffusion de la connaissance dans leur domaine d’activité en regroupant experts et érudits au sein de leurs membres, et en se confrontant avec leurs pairs. Alors que leur essor date du XVIIIe siècle, c’est au XXIe que s’amorce leur régression. Pour la plupart, le virage au tout numérique au tout début des années 2000 (Emig, 2013), pourtant largement annoncé par les scientifiques durant les années 1990, s’est opéré sans elles. Car, à la même époque, un vieillissement de leurs membres s'est produit, suite à l'arrivée de la génération du papy-boom, et à un relatif désintéressement de leurs enfants pour ce type de structure. En même temps, la généalogie est devenue une activité commerciale rentable pour des sites WEB internationaux comme Geneanet, Ancestry, Heredis, Genealogie.com, etc. Ces sites s’avèrent plus attractifs et plus ouverts que des associations locales, notamment par la masse de données disponibles, directement mises en ligne par chaque participant ; ils sont adossés à des blogs, des forums et une messagerie directe. Ces ouvertures au partage sans contrainte s’avèrent plus adaptées et plus conviviales pour les générations « tout écran », qui sont de plus en plus nombreuses à s’orienter vers la généalogie
L’usage de la généalogie par les scientifiques ouvre de nouvelles perspectives aux travaux des généalogistes amateurs et au nécessaire rapprochement avec la communauté scientifique. Comme le remarquait déjà Harvey (2007), l’avenir propose de nouveaux défis à la généalogie avec des perspectives, notamment vers de nouveaux modèles identitaires, que les seules recherches des origines historiques, et une ouverture vers l’histoire sociale, la démographie historique et la sociologie de la famille. Une réflexion sur le sens de leur pratique est un corollaire pour les généalogistes afin de faire évoluer leur outil suite aux profonds changements des modèles familiaux et culturels et des bouleversements liés au numérique. Tout laisse à penser que c’est dans ces voies que les sociétés savantes devraient s’orienter, car elles ne pourront ni rivaliser avec les grands sites WEB, ni les concurrencer, sauf à devenir de pâles doublons, d’autant que la plupart des membres de ces sociétés ont déjà leurs données sur ces sites. Reste aussi l’innovation.
Remerciements
Que soient remerciés tous ceux qui ont accepté de nourrir mes réflexions par leurs opinions, remarques, discussions au cours d’échanges de courriers électroniques. J’espère qu’ils trouveront dans ce travail des réponses, dont je ne suis pas sûr que toutes les satisferont. Il n’en reste pas moins que ces réflexions sont celles d’un scientifique qui place la généalogie dans un cadre professionnel et non de loisir personnel et familial, même si lui se place dans les deux.
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Arnaud P. M. & C. C. Emig, 1987. La population, unité fonctionnelle de la biocœnose. Actes du Colloque National du CNRS : Biologie des populations, Lyon 1986, p. 69-72.
Bonin M. & M. Antona, 2012. Généalogie scientifique et mise en politique des services écosystémiques et services environnementaux. Introduction au dossier. VertigO, 12 (3), 12 p.
Darwin C., 1871. The descent of Man, and selection in relation to sex. Murray, Londres, 2 vol. : 423 p. + 435 p.
Emig C. C. 2013. Les publications des sociétés savantes françaises face à Internet. Nouveaux eCrits scientifiques, NeCs_02-2013, p. 1-5.
de Sosa G., 1676. Noticia de la gran casa de los Marqueses de Villafranca y su parentesco con las mayores de Europa, en el arbol genealogico de la ascendencia en ocho grados por ambas lineas, del Excelentisimo Señor D. Fadrique de Toledo Osorio, septimo marques de esta casa. Nouelo de Bonis, Naples, 491 p.
Encyclopædia universalis, 2014. Généalogie. Encyclopædia universalis France, http://www.universalis.fr/encyclo pedie/genealogie/. Consulté le 23 juin 2014.
Eytzinger M., 1590. Thesaurus principum hac aetate in Europa viventium, quo progenitores eorum... simul ac fratres et sonores inde ab origine reconduntur... usque ad annum... G. Kempensem, Cologne, 233p. [réédité en 1591, 263 p.]
Haeckel E., 1868. Die Natürliche Schöpfungsgeschichte. Reimer, Berlin, 568 p.
Haeckel E., 1874. Anthropogenie oder Entwicklungsgeschichte des Menschen [19 Gemeinverständliche wissenschaftliche Vorträge]. Engelmann, Leipzig, 732 p.
Harvey F., 2007. La généalogie : réflexions sur une pratique culturelle et scientifique. Bulletin Mémoires vives, Québec, 23, 5 p.
Hennig W., 1950. Grundzüge einer Theorie der phylogenetischen systematik. Deutscher Zentralverlag, Berlin, 370 p.
Kekulé von Stradonitz S., 1898. Ahnentafel-Atlas : Ahnentafeln zu 32 Ahnen der Regenten Europas und ihrer Gemahlinnen. Stargardt, Berlin, 16 p. [la publication se poursuit jusqu’en 1904, comportant en tout 79 feuillets doubles].
Langenohl A., 2009. Geschichte versus Genealogie. Warum die Debatte um sozialwissenschaftliche Reflexivität die Ethnomethodologie vergaß. Forum Qualitative Sozialforschung / Forum: Qualitative Social Research, 10 (3), Art. 4, 21 p.
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Laurent G., 1989. Idées sur l'origine de l'homme en France de 1800 à 1871 entre Lamarck et Darwin. Bulletins et Mémoires de la Société d'Anthropologie de Paris, Nouvelle Série, 1 (3-4), 105-129.
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Meadows J. & Fisher T., 1978. Gentlemen v players. New Scientist, 79 (1120), 752-754.
Paveau M.-A., 2010. Interdiscours et intertexte. Généalogie scientifique d’une paire de faux jumeaux. Actes du colloque international de Linguistique et littérature : Cluny, 40 ans après. Presses universitaires de Franche-Comté, Besançon, p. 93-105.
Robert P., 1996. Généalogie. In : Le nouveau petit Robert. Dictionnaires le Robert, Paris, p. 1008.
Wazeck M., 2014. Einstein's Opponents: the public controversy about the theory of Relativity in the 1920s. Cambridge University Press, 376 p.
Note bibliographique : Mes recherches généalogiques ont été utilisées dans plusieurs de mes publications scientifiques.
Emig C. C., 2011. Alsace entre guerres et paix. In : Faire la guerre Faire la paix, 136e Congrès des Sociétés historiques et scientifiques (CTHS), Perpignan, 2011. Recueil des résumés, p. 38.
Emig C. C., 2012. Révision complète des espèces de brachiopodes décrits par A. Risso. Carnets de Géologie [Notebooks on Geology], Article 2012/02 (CG2012_A02), p. 15-30.
Emig C. C., 2012. Joseph Antoine Risso (177-1845). http://paleopolis.rediris.es/benthos/Risso/. Consulté le 2 septembre 2014.
Emig C. C., 2012. Alsace entre guerres et paix. In : Faire la guerre, faire la paix : approches sémantiques et ambiguïtés terminologiques. Actes des Congrès des Sociétés historiques et scientifiques, Éd. Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, Paris, p. 195-207 [en ligne http://cths.fr/ed/edition.php?id=6171]
Emig C. C., 2013. Courte et incomplète biographie du bagnard Jean Brauer de Riquewihr. Bulletin du Cercle généalogique d’Alsace, 182, 88-91.
Emig C. C., 2013. Daniel Œhlert (1849-1920) : biographie scientifique et bibliographie. Carnets de Géologie [Notebooks on Geology], Article 2013/08 (CG2013_A08), 303-314.
Emig C. C., 2013. Daniel Victor Œhlert (1849-1920). http://paleopolis.rediris.es/benthos/SCI/Oehlert/index.html. Consultée le 2-9-2014.
Voir aussi http://emig.free.fr/GENEALOGIE/Fig-Emig/Oehlert.html
Voir aussi http://emig.free.fr/GENEALOGIE/Fig-Emig/Oehlert-JD.html
Emig C. C. 2013. Descendants d'Anna Schürch en Franche-Comté et en Alsace. Nouveaux écrits Scientifiques, 01-2013, 48 p.
Emig C. C., 2014. Les ascendances du célèbre sculpteur colmarien Auguste Bartholdi. Nouveaux eCrits scientifiques, NeCs_01-2014, p. 1-30.
Voir aussi http://emig.free.fr/GENEALOGIE/Fig-Emig/Bartholdi.html
Emig C. C. 2014. Généalogie Graber en Franche-Comté. Nouveaux eCrits scientifiques, NeCs_02-2014, p. 1-15.
Suite à des échanges de courriers électroniques avec des membres du Cercle Généalogique d’Alsace (Strasbourg), des critiques sur des usagers de sites web commerciaux de généalogie sont apparues. Elles concernent le seul site international gratuit Geneanet, ce qui peut dénoter une utilisation restreinte ou sélective du WEB, car il existe bien d’autres sites au moins aussi bien achalandés, mais souvent méconnus ou d’accès payant. Cependant, tous restent des incontournables dans les échanges, les liens, la communication, les rencontres, notamment avec des branches familiales ailleurs en Europe et aux Amériques.
Trois types de critiques [16] sont récurrents : - on a pillé mon site ; - il y a trop d’erreurs ; - je ne suis pas cité. Il convient de se pencher plus en détail sur ce qui apparaît plus comme des anathèmes que comme des remarques mûrement réfléchies.
On a pillé mon site
Tout d’abord de l’usage des mots (d’après ATILF, 2007) :
Piller
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Pillage
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S'emparer par force de tous les biens que renferme un lieu pris par violence et mis à sac.
S'emparer par la force des biens de particuliers.
Prendre tout, ne rien laisser.
Au fig. ou p. métaph. Prendre à son compte, faire passer pour siennes les créations d'autrui, plagier.
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Action de piller en groupe; résultat de cette action.
Synon. mise à sac.
Le fait pour une personne de s'emparer du bien d'autrui.
Détournement de fonds publics à la suite de manœuvres frauduleuses.
Au fig. Action de plagier
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Il faut reconnaître qu’aucune des définitions n’est appropriée. Pourtant, certains diront que si et c’est la dernière qui s’applique. Et j’y répondrai que nenni, car les données de registres mises en ligne ont été copiées (pourquoi pas pillées !) par ceux qui houspillent : ces données appartiennent à autrui comme nous l’avons indiqué ci-dessus. En fait, à bien les écouter ces pilleurs-pillés, souvent au féminin, reprochent aux pilleurs-pilleurs, généralement au masculin, d’avoir pillé des données qu’eux-mêmes ont mis du temps à piller (une histoire vieille comme le monde !). En conséquence, des pilleurs-pillés ne mettent plus leurs données sur un des meilleurs site web de généalogie mais continue à sévir sur ce même site selon la formule « je ne donne plus à ces mécréants mais j’en profite [en étant pilleur-pilleur]… donc je me venge ! » ; tous ces pilleurs-pillés affirment haut et fort avoir la main sur le cœur, prêts au don [ou plutôt au partage] des données… mais uniquement avec de bons généalogistes… Aucun n’a pu ou osé donner une définition. L’usage de « bon généalogiste » implique qu’il y en a des mauvais, forcément les autres hors de son petit cercle de bons, dans lequel règnent cordialité et générosité dans les échanges et les rencontres un racisme basé sur l’autosatisfaction personnelle et communautaire et le rejet des autres.
Le copier-coller en généalogie est le seul moyen universel de transmettre, car lire un acte et copier les données dans une base de données, c'est bien un copier-coller et, dès lors une erreur est toujours possible. Une fois, ce travail technique réalisé et enregistré, l’ordinateur par un logiciel approprié se charge de produire l’arbre ou la liste des données souhaités. Il faut rappeler que s’attribuer, en les publiant en ligne ou sur papier sous son nom, les données d’autrui est une fraude qui est punie par des lois. Et nul n’est sensé les ignorer selon la formule (voir ci-dessous).
Il y a trop d’erreurs
Á partir d’une base de données sur ordinateur, les pages des sites généalogiques sont mises en ligne par import de fichiers au format gedcom (.ged) ), acronyme de genealogical data communication, mis au point et développé par les Mormons (Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, Salt Lake City, UT, USA). Ce fichier permet d’utiliser chez soi (ou sur son serveur internet) sa base avec d’autres logiciels de généalogie. Ainsi, le logiciel freeware Geneweb (mac et pc), le celui qui est utilisé par Geneanet, permet de comparer sur son écran ses arbres avec ceux sur ce site.
Le propre même d’une base de données est la mise à jour chaque fois que nécessaire, jusqu’à plusieurs fois par jour. En conséquence, quand on consulte un site de généalogie, la page consultée ne vaut qu’à l’instant de la consultation, car elle a pu être modifiée ou corrigée avant même que vous n’abandonniez la session. Pourtant, vous avez pu copier dans votre base une erreur qui n’existe plus, base que vous pourrez ensuite mettre sur un site de généalogie, poussant d’autres internautes à l’erreur. Á citer une page web implique d’indiquer la date de la consultation12. Enfin, à qui est imputable la diffusion d’une erreur ? Il n’y a pas de réponse unique, mais a priori c’est celui qui a fait l’erreur et qui l’a publiée, et non celui qui l’a copiée. Sinon acheter de la viande de cheval vendue à la place de bœuf serait de la faute de l’acheteur ! Et celui qui a trouvé une erreur et ne la signale pas est « complice ». Néanmoins, répondre à la question récurrente « comment limiter la propagation d'une erreur au bénéfice de tous » est loin d’être aisé et simple. Pourtant, certaines réponses sont simplistes.
Á la différence des bases de données professionnelles en ligne (j’en maintiens plusieurs mondiales) qui se visitent, et ne se copient que rarement à cause de leur évolution constante, mais servent de références. En revanche, les bases généalogiques et les publications sur papier se copient pour compléter une base personnelle c’est leur but mais aucune ne sert de référence, donc pratiquement absence de mise à jour des données. Dans une base de plusieurs dizaines de milliers de personnes, une erreur, forcément involontaire, peut se maintenir de très nombreuses années avant correction et aucune base n’en est exclue. Alors, ne reprochons pas aux autres, nos propres erreurs.
Enfin, rien ne garantit la pérennité d’une base sur un site web : la suppression entraîne ipso facto la disparition d’une source, en pénalisant ceux qui s’y sont référés en oubliant de la copier. Les liens-morts sont la hantise des webmestres professionnels, ce qui entraîne souvent l’aspiration de la ou des pages concernées en sauvegarde pour s’en prémunir. Il y va de même avec un livre dont le stock est épuisé, quand l’éditeur imprévoyant n’a pas de version numérique à proposer et/ou... que l’auteur n’a pas fait une nouvelle édition en corrigeant ses erreurs.
Je ne suis pas cité
Les données sur des personnes sont dans la quasi totalité issues des registres paroissiaux et d’état-civil : aussi est-il nécessaire de citer (exclusivement) la référence à l’acte concerné. Ces registres sont la propriété des paroisses et communes concernées, et déposés aux Archives Départementales, comme nous l’avons déjà évoqué ci-dessus. Leur usage est restreint selon la loi et les conditions imposées par les propriétaires ou dépositaires. Les Services Départementaux d’Archives sont des « services culturels » : en tant que tels, la réutilisation des informations publiques produites et reçues par ces Services n’est pas régie par les règles de droit commun fixées par les articles 10 à 19 de la loi de 1978, mais par les règles qu’il appartient à chacun de ces Services de définir. Sont également réutilisables les informations dont la communication ne constitue pas un droit en application de la réglementation en vigueur, mais qui ont fait l'objet d'une diffusion publique. Cependant, la commercialisation de ces données est interdite, mettant certaines associations dans une possible illégalité par leur mise en vente.
En conséquence, nul ne peut se considérer comme « propriétaire » des données de ses ascendants et descendants : cela vaut pour les publications en ligne ou sur papier. En outre, le nombre de personnes partageant ces données augmente en suite géométrique en remontant les générations (Fig. 1A, B). Ainsi, il n’y a aucune obligation de citer une page web ou un livre pour des données généalogiques transcrites des registres sauf à indiquer que ses sources ne sont pas les registres mais celles de celui qui les a copiés. Néanmoins, il convient de remarquer que la propriété intellectuelle, régie par des lois françaises et européennes, s’applique à toute œuvre originale (dont la plupart des pages web).
Pour conclure, il convient de comparer brièvement ces critiques avec le travail scientifique et la publication des savoirs. Pour le chercheur, la fameuse formule Publish or Perish (Publier ou Périr) qui date d’avant la 2e guerre mondiale (l’auteur est inconnu), reste toujours d’actualité. Publier ses résultats est un impératif pour les faire connaître, c’est le rôle même du scientifique que faire progresser la connaissance. Le temps mis pour les obtenir n’est jamais pris en compte, il peut aller de quelques jours à plusieurs lustres, donc bien au-delà de la recherche et de la transcription d’un acte d’état-civil !
Le choix du journal scientifique (selon son facteur d’impact mondial) et de son éditeur dépendra de l’importance scientifique et de la diffusion qu’un auteur estime devoir donner à son travail. Ceci implique que nombre de travaux scientifiques échappent à la lecture des membres d’une société savante et à l’inverse leurs propres travaux publier par cette dernière n’ont généralement n’ont qu’une audience régionale. Ceci tient aussi au support qui, depuis plus d’une dizaine d’année, est entièrement numérique au sein de la communauté scientifique avec une distribution mondiale instantanée à partir de la parution du travail, pouvant être de l’ordre d’un mois après dépôt du manuscrit.
Ensuite, le devenir d’un travail publié échappe évidemment à son auteur. Même si son travail est protégé par la propriété intellectuelle, une nouvelle interprétation des données par un autre chercheur est parfaitement possible, c’est une façon courante de faire avancer la science. Si les résultats restent acquis au premier auteur, la nouvelle interprétation revient au deuxième ! Si la déontologie scientifique semble parfois échapper à des membres d’une société savante, il est du rôle du bureau de cette société de la rappeler, car elle devrait y être de mise. Les statuts de certaines associations de généalogie ne prônent pas la diffusion des connaissances et des savoirs, leur finalité étant la seule entraide de ses membres, tout en stipulant donner un caractère scientifique aux travaux. La Fédération Française de Généalogie, elle-même, affiche sur son site WEB que son objectif n’est que de favoriser et aider chacun à effectuer des recherches généalogiques. On pouvait espérer beaucoup plus et mieux de ces structures, que de simples prestations de service, ce qui ne correspond pas au rayonnement que devraient avoir une société savante [14] et ses publications.
Grande ouverte par l’arrivée du numérique, la place qu’aurait dû occuper les sociétés savantes de généalogistes pour la diffusion du savoir a vite été comblé à leur détriment, voire à leur perte, par de nouvelles structures associatives et commerciales qui ont compris que l’avenir était dans la diffusion de la connaissance… par les généalogistes eux-mêmes, en leur permettant la publication de leurs données sur des sites web ouverts à tous. Ce créneau avait pourtant été développé dès la fin des années 1990 par les scientifiques eux-mêmes avec les publications en « open access » ; il aurait dû servir d’exemple pour faire évoluer objectifs et finalité des associations de généalogie, parmi d’autres, pour devenir des vraies sociétés savantes [14].
Notes :
[1] Dans la généalogie familiale, qui n’a pas buté sur un père inconnu, voire une mère inconnue, sauf dans les familles nobles où les bâtard(e)s peuvent avoir une reconnaissance filiale officielle.
[2] Au sein de certaines communautés/associations de généalogistes, l’usage du numéro Sosa traduit une marque d’appartenance à une lignée en oubliant que l’attribution du numéro 1 (voir ci-dessous) est technique permettant de numéroter une lignée (que d’aucun(e)s veulent égocentrée !) à partir d’un individu choisi. C’est aussi une commodité technique dans les échanges de lignées entre généalogistes.
[3] Il y a parfois confusion entre domaine scientifique, discipline scientifique et science.
[4] Un scientifique professionnel possède un, voire plusieurs, titre de Docteur suite à une, ou plusieurs, soutenance de thèse, après un cursus universitaire bac+7 à +11.
[5] En Science, un amateur (même mot en anglais) est un scientifique non professionnel, dont le travail est reconnu par ses pairs scientifiques (Meadows & Fisher, 1978 ; Wazeck, 2014). Nombre sont considérés comme de célèbres scientifiques, on ignore souvent leur statut d’amateur. Il convient donc d’utiliser ce terme à bon escient, y compris en généalogie ! Les scientifiques anglo-saxons nous rappellent « in science it retains the meaning of its French root amour, love, for amateurs do science because it's what they love to do. »
[6] La notion d’espèce a bien évoluée au cours des dernières décennies. L’espèce est le premier échelon hiérarchique dans la classification. En zoologie, seuls deux individus dioïques ou hermaphrodites peuvent se reproduire.
[7] Un probable descendant d’Homo heidelbergensis.
[8] La commune est celle dans laquelle l’acte a été fait, voire où il est aujourd’hui consultable - avec mention informative si nécessaire.
[9] Dans une base de données informatisée afin de permettre les recherches, le patronyme se doit d’être le même dans une lignée ce qui pose le problème des modifications de nom : cela ne peut se résoudre qu’au cas par cas. Parfois, cela est fort difficile notamment pour les patronymes anabaptistes, pouvant varier entre frères et sœurs, ou les patronymes américains. Ceci indique le rôle accordé au sang ou au sol par les familles, souvent inconsciemment.
[10] Les prénoms doivent être ceux en langue originelle de l’acte, en aucun cas traduits. Ainsi, Hans, Johann, Johannes sont autant de prénoms « distincts » qui ne peuvent se traduire par Jean. Cela évite quand on ne connaît pas ou mal les us et coutumes locales de faire des erreurs et de les transmettre.
[11] La notion de race humaine est un sujet qui reste dans les cartons des scientifiques, car tabou dans la société, lié à l'usage mauvais qui en serait fait !
[12] Et, quant à le faire, il faut suivre les normes internationales de citation, à savoir : nom de l’auteur, prénom, année titre de la page adresse web. Consulté le xx-xx-201x.
[13] De récents articles ont remis l’accent sur l’usage des données fournies pour obtenir une carte de fidélité… sans lecture des conditions d'utilisation : des faits déjà dénoncés en 2008 !
[14] Définition (ATILF, 2007) : Société qui a pour finalité de s'occuper de travaux d'érudition, de savoir humaniste et de sciences expérimentales.
[15] L’auteur a été membre du CTHS pendant 12 ans, sur nomination du ministre de l’Education Nationale ; atteint par la limite d’âge fixée à 70 ans, il en est membre honoraire. Il est membre de plusieurs autres sociétés savantes, dont le Cercle Généalogique d’Alsace (Strasbourg).
[16] Et il ne faut pas voir que les quelques moutons noirs au sein d’un troupeau de moutons blancs ; puis, à regarder de plus près tous les noirs ne pas vraiment noirs et tous les blancs pas totalement blancs !
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