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Géologie de la mer Méditerranée: origine des bassins

d'après un texte du Prof. Alain Coutelle (Université de Bretagne Occidentale, Brest)


    Depuis que l'on fait de la géologie autour des rives méditerranéennes, l'origine des bassins de la Méditerranée est en débat et reste à trouver.

    La mer Méditerranée, liée au système alpin, est de genèse récente, Mio-Pliocène, après la collision entre l'Afrique chevauchant l'Europe à l'Ouest et l'Europe chevauchant l'Afrique à l'Est, collision qui a donné naissance aux chaînes alpines.
    Le bassin occidental est interne à ces chaînes, tandis que le bassin oriental leur est externe, avec une vergence africaine-arabique-indienne presque exclusive. Ce dernier représenterait une relique de la Téthys occidentale (aussi nommée Mésogée) dont les derniers vestiges se situent en mer Ionienne, le long des côtes africaines.

    Bassin méditerranéen occidental

    Sa structure est particulière avec ses contours compliqués, ses côtes généralement abruptes et ses grandes îles qui la subdivisent en bassins qui prennent parfois le nom de "mer". On pourrait s'attendre à ce que la géologie soit à l'origine de ces dispositions orographiques1, or ce n'est pas le cas (voir carte ci-dessous).


Carte structurale schématique des rives de la Méditerranée occidentale © A. Coutelle

    Si la Mer d'Alboran, le Bassin Algérien et la Mer Tyrrhénienne sont implantés au coeur des unités alpines, le Bassin Provençal est lui, majoritairement, en dehors de l'édifice alpin.
    Sous forme d'un bras de mer relativement peu profond, le large couloir marin qui fait communiquer le Bassin Algérien avec la Mer Ionienne recoupe entièrement l'orogène1 alpin ; ceci l'oppose au reste du bassin occidental, majoritairement en dessous des 2000 m de profondeur, et où le contact terre-mer est brutal, seulement adouci dans les zones à forts apports fluviatiles, surtout du Rhône et de l'Ebre.

    Le raccord des chaînons alpins disséminés autour de la Mer Méditerranée a commencé à être examiné dès le XIXe siècle et a donné lieu à différentes théories. Il y a actuellement un renouvellement de leur vision structurale et paléogéographique avec leur tectogenèse nettement plus récente qu'on ne le supposait, datant, en fait, du Miocène.

 

Paléogéographie de la chaîne alpine de la Méditerranée occidentale au plus près des faits de terrain © A. Coutelle

    Schématiquement, trois sortes de grandes familles de nappes se retrouvent de Gibraltar à la Ligurie :

  • Des nappes hautes, formées de flyschs, liées à une mise en place par glissements sous-marins successifs. Elles sont clairement identifiables à une partie des flyschs alpins du sillon liguro-piémontais.
  • Des nappes moyennes, comprenant un socle d'origine continentale, et surmontées des couvertures essentiellement carbonatées déposées en milieu de plateforme plus ou moins profond, formant des "chaînes calcaires". Leurs régions de rattachement sont souvent mal connues et les hypothèses proposées ne sont pas concluantes (Bouillin, 1986, 1989 ; Coutelle, 1987 ; Coutelle & Delteil, 1989).
  • Les nappes basses formées nappes d'origine locale, de flyschs.

    L'Ibérie, le sillon des flyschs alpins et l'Apulie, disposés dans cet ordre de l'Ouest vers l'Est, s'interrompent au Sud pour laisser la place à un sillon profond, sub-rectiligne, dont la rive sud est formée par le pied de la marge africaine. Dans cette fosse, se déposent des flyschs "africains", dont les plus typiques sont connus dans la littérature sous le nom de flyschs "massyliens".


La formation de la Méditerranée occidentale selon les modèles inspirés de la tectonique
des plaques de l'Ouest de l'Océan Pacifique.
© A. Coutelle

    Le sillon africain est le premier à disparaître, au Sénonien (Crétacé supérieur), exception Eocène pour le sommet de la série massylienne (Vila, 1980). La contraction se transfère ensuite au sillon alpin qui est à son tour écrasé au Burdigalien (Lorenz, 1984), suivie de deux importantes répliques, l'une au Langhien et l'autre au Tortonien. À la dérive de l'Afrique s'est ajoutée la dérive antihoraire propre du bloc corso-sarde. La naissance des autres bassins est post-tectonique.

    Ainsi, c'est au cours de l'Oligo-Miocène que le bloc corso sarde et la lanière continentale s'écartent progressivement du bloc ibérique, ouvrant derrière eux le Bassin Provençal, la Mer d'Alboran, le Bassin Algérien et la Mer Tyrrhénienne. La dynamique cesse avec le blocage de l'arc contre les domaines externes, apulien et africain.

  • La mer d'Alboran qui borde une chaîne tortonienne n'existe vraiment que depuis le Pliocène (Olivet et al., 1973), d'abord comme un bras de mer entre l'Ibérie et l'Afrique. Elle est un bassin d'arrière-arc, de l'arc de Gibraltar et non de l'arc rifain (Comas et al., 1996 ; Gutcher et al., 2002).

  • Le Bassin Provençal depuis le Burdigalien entre 21 MA et 17,5 MA (Edel et al., 2001).
    - voir animation du déplacement dans le NW du bassin.

  • La mer Thyrrénéenne, au cours du Pliocène, est un bassin marginal d'arrière-arc, formé entre le bloc Corso-sarde qui chevauche en s'affaissant la plaque Apulie.

  • Les chaînes tellorifaines, au Tortonien,ne sont qu'un empilement de nappes peu épaisses. Elles n'entrent pas dans le modèle plaquiste. D'ailleurs de la Tunisie au Maroc, un plan de Bénioff 2 est introuvable. En effet, le volcanisme littoral d'Afrique du Nord calco-alcalin à alcalin au Cénozoïque n'est pas lié à la chaîne alpine, mais à son soubassement profond, le manteau africain (Maury et al., 2000). Ce magmatisme n'est pas un magmatisme d'arc.

  • La tectonisation de l'Apennin se situe au Serravallien supérieur - Tortonien inférieur.

 

 

Faits et théories de part et d'autre du Bassin algérien.

Coupes A & B - coupes tectoniques selon les modèles "plaquistes" de l'Ibérie à l'Afrique en passant par les Baléares.

A: au Crétacé, pendant la période de rapprochement entre l'Europe et l'Afrique;

B: à la fin du Cénozoïque, la dérive méridionale du bloc kabyle a ouvert le Bassin algérien, fermé le sillon des flyschs et constitué, à son front, un prisme d'accrétion.

Coupe C - l'état des lieux à la fin du Cénozoïque en suivant les données de terrain. © A. Coutelle

Ib = Ibérie - GV = golfe de Valence - B= Baléares - Ba = Bassin algérien - K = Kabylie - Sf = sillon des flyschs - A= plaque Afrique

Bassin méditerranéen oriental

    La Méditerranée orientale, de la Mer Ionienne à la Palestine, est située sur l'ancienne bordure africaine du dispositif anté-tectonique. A se demander si elle n'est pas directement l'héritière de la bordure sud de l'ancienne "Mésogée". Sa formation initiale date du Permien-Trias (280-220 MA) sous forme d'un étroit basin océanique s'ouvrant vers l'Ouest à partir du golfe que forme la Téthys entre le Gondwana (Afrique) et l'Eurasia.

    À l'Eocène supérieur, les blocs morcelés de Cimméria et d'Eurasia s'agglomèrent à nouveau, bloquant l'Afrique dans sa dérive vers l'Eurasie, tandis que la croûte océanique du bassin oriental, plus dense, subduit. Au Burdigalien (Miocène moyen) la Mésogée se ferme définitivement à l'Est (Arabie). La subduction su poursuit aujourd'hui et devrait conduire à la disparition de la Méditerranée orientale.


Quelques références

Aubouin J. & Debelmas J., 1980. L'Europe alpine : les chaînes péroméditerranéennes. Mémoire BRGM, 115, 62-70.

Bouillin J. P., 1986. Le bassin Maghrébin: une ancienne limite entre l'Europe et l'Afrique à l'ouest des Alpes. Bull Soc. Géol. France, 8e sér., 2, 547-548.

Bouillin J. P., 1989. Réponse au commentaire de A. Coutelle et J. Delteil "la suture alpine en Méditerranée occidentale. Remarques sur une synthèse et rappel d'une autre conception. Bull Soc. Géol. France, 8e sér., 5, 859-867.

Comas M. C., Zahn R., Klaus A. et al., 1996. Introduction. Proc. ODP, iniRepp., 161, 5-19.

Coutelle A., 1987. Les avant-fosses miocènes de l' orogène berbère. Mem. Soc. Géol. Italia, 38, 317-328.

Coutelle A. & Delteil J., 1989. La suture alpine en Méditerranée occidentale. Remarques sur une synthèse et rappel d'une autre conception. Bull Soc. Géol. France, 8e sér., 5, 859-867.

Edel J. B., Dubois D., Marchant R., Hernandez J. & Cosca M., 2001. La rotation miocène inférieur du bloc corso-sarde. Nouvelles contraintes paléomagnétiques sur la fin du mouvement. Bull Soc. Géol. France, 172, 275-283.

Faure-Muret A. & Choubert G., 1975. Proposition d'un nouveau modèle tectonique pour la Méditerranée occidentale. C. R. Acad. Sc. Paris, 280, sér. D, 1947-1950.

Gutcher M. A., Malod J., Réhault J. P., Contrucci I., Klingelhoefer F., Mendes-Victor L. & Spakman W., 2002. Evidence for active subduction beneath Gibraltar. Geology, 30 (12), 1071-1074.

Lorenz C., 1984. Les silexites et les tuffites du Burdigalien, marqueurs volcano-sédimentaires - corrélations dans le domaine de la Méditerranée occidentale. Bull. Soc. Géol. France, 7e sér., 16, 1203-1210.

Maillard A. & Mauffret A., 1993. Structure et volcanisme de la fosse de Valence (Méditerranée nord-occidentale). Bull. Soc. Géol. France, 164, 365-383.

Maury R., Fourcade S., Coulon C., El Azzouzi M., Belle H., Coutelle A., Ouabadi A., Semroud B., Megartsi M., Cotten J., Belanteur O., Louni-Hacini A., Piqué A., Capdevilla R., Hernandez J. & Réhault J. P., 2000. Post-collisional neogene magmatism of the Maghreb margin: a consequence of slal breakoff. C. R. Acad. Sc., Paris, 331, sér. IIa, 159-173.

Olivet J. L., Auzende J. M. et Bonnin J., 1973. Structure et évolution tectonique du bassin d'Alboran. Bull Soc. Géol. France, 7e sér., 15, 108-112.

Vila J. M., 1980. La chaîne alpine d'Algérie orientale et des confins algéro-tunisiens. Thèse Dr. Sc., Université de Paris 6, 708 p.


1 Définitions d'après le Trésor de la Langue Française :
  • Orographie : Étude, description, représentation cartographique du relief et particulièrement du relief montagneux.
  • Orogenèse : Genèse des reliefs; époque au cours de laquelle a lieu ce processus.
  • Orogène : Zone instable où s'élabore, se forme et surgit une chaîne de montagnes.

2 Le Plan de Bénioff (ou plan de Wadati-Bénioff) est la surface plus ou moins complexe formée par la distribution des hypocentres des séismes associés à une subduction. L'angle de ce plan incliné varie selon le type et l'âge de la plaque subduite, ainsi que la vitesse de convergence.

 
   

     
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